Lapointe, C., Fishbane, L. (2019). The blockchain ethical design framework. Innovations: Technology, Governance, Globalization, Vol. 12(3-4), pp. 50-71.
Les technologies ouvrent de nouvelles perspectives en matière d’expérimentation de solutions et de modèles commerciaux inédits. Ces technologies se caractérisent par leur omniprésence, leur portée mondiale, leurs capacités d’analyse accrues ainsi que leur caractère abordable. Elles constituent également des outils essentiels pour résoudre une variété de problèmes publics tels que ceux qui concernent les personnes vulnérables ou marginalisées. Dans cette perspective, la technologie de la chaîne de blocs (Blockchain) semble être prometteuse pour transformer les opérations dans le secteur social et, au final, pour améliorer les conditions de vie des personnes vulnérables ou défavorisées. Cette publication vise d’une part, à mettre en évidence les potentialités de la chaîne de blocs dans le secteur social et, d’autre part, à identifier les éléments devant être pris en compte pour répondre aux défis rencontrés lors de son application. De plus, les chercheurs détaillent les raisons pour lesquelles la notion d'intentionnalité de la conception est cruciale avec la technologie des chaînes de blocs. La plus-value de cette publication est de décrire les lignes directrices pour guider les responsables politiques et les organisations à vocation sociale.
Définition
Le concept central de la publication est celui de la technologie de la chaîne de blocs (Blockchain). Une chaîne de blocs fait référence à une catégorie particulière de technologies numériques, celles des registres distribués. La chaîne de blocs vise à partager des enregistrements d'informations ou de transactions sur un réseau de manière immuable et sécurisée. La chaîne de blocs n'exige pas une autorité centrale pour vérifier les informations ou authentifier les transactions. La régulation de la chaîne de blocs se base sur un code pré-écrit définissant la manière dont les acteurs peuvent se comporter dans le système. Chaque transaction entre les acteurs du réseau est strictement vérifiée à l'aide d’algorithmes informatiques par rapport aux règles de gouvernance. Les transactions acceptées sont ensuite regroupées en « blocs » d'informations sécurisées et reliées de manière séquentielle dans une « chaîne » virtuelle. La chaîne de blocs comprend huit attributs clés interdépendants : (1) la transparence, (2) la confiance, (3) l’immuabilité, (4) le pseudonymat, (5) la vérifiabilité, (6) la contrôlabilité, (7) la sécurité et (8) la désintermédiation.
- La chaîne de blocs a la capacité de transformer différents types d'institutions et de systèmes sociaux à travers le monde. Ses potentialités peuvent être :
- La création d’une identité numérique. Cette identité est liée à un individu unique et peut être utilisée dans divers contextes afin de prouver l'identité ou les références d’une personne. Toutefois, l’identité numérique soulève également d'importantes questions sur le respect de la vie privée et le contrôle des données.
- Le suivi des actifs. La chaîne de blocs peut aider les gouvernements, les organismes à finalité sociale et les donateurs individuels à suivre de manière transparente le cheminement des ressources financières (p.ex., les fonds humanitaires ou d'aide en cas de catastrophe).
- L’amélioration de l’efficience. La chaîne de blocs permet à plusieurs parties de collaborer efficacement et de façon transparente avec les données.
- En pratique, la chaîne de blocs peut être employée pour une gamme d'applications sociales, par exemple : l’amélioration de l'accès aux services publics via la création d’une identité numérique sûre, l’enregistrement des transactions publiques via des registres fonciers basés sur une chaîne de blocs, la mise en place d'un vote mobile sécurisé, la prévention de la traite des êtres humains ainsi que l’amélioration de la recherche médicale et des soins de santé.
- La prise en considération de l’interdépendance des huit attributs clés est cruciale lors de la conception d’une chaine de blocs. Si une telle interdépendance est source d’effets positifs, elle peut également générer plusieurs problèmes, par exemple : le contrôle des personnes ou la création d’accords secrets violant les lois et les règlements, le risque d’exposer les origines ethniques, l’affiliation religieuse, l'orientation sexuelle ou d'autres éléments d'identification individuelle, l’impossibilité d'être oublié, la complexité découlant de la correction d’informations préalablement encodées, la complexité pour récupérer les informations personnelles en cas de perte de la clé d’accès privée, les impacts environnementaux provenant d’une consommation énergivore des infrastructures de traitement et de stockage des données.
- Le cadre éthique pour la mise en œuvre d’une chaîne de blocs (Blockchain Ethical Design Framework) a été lancé en juin 2018 en tant qu'outil permettant de concevoir une chaîne de blocs intégrant des questions éthiques relatives à la gouvernance, l’authentification, les accès, la sécurité ou encore la propriété des données. Les objectifs de ce cadre sont d’une part, de fournir aux décideurs un outil pour évaluer les conséquences et les implications éthiques propres à la conception et à la mise en œuvre de la chaîne de blocs et d’autre part, de permettre aux décideurs d’accroître les impacts sociétaux.
- Le cadre éthique pour la mise en œuvre d’une chaine de blocs se structure en quatre étapes principales :
- La première étape est la définition claire du problème, en incluant tout biais potentiel.
- La deuxième étape est l’identification des approches éthiques qui guideront la prise de décision du projet.
- La troisième étape est l’évaluation des écosystèmes afin de comprendre et de reconnaître le rôle que les différentes parties prenantes vont jouer dans la chaîne de blocs.
- La quatrième étape est la sélection de la philosophie de conception du projet, en définissant les valeurs et les principes directeurs qui sous-tendent le projet.
- L’impact de la technologie de la chaîne de blocs sur des millions de personnes est réel. Si une telle technologie est déjà utilisée par les organisations dans plusieurs domaines d’affaires, son utilisation dans le secteur social est également pertinente en raison de sa transparence, confiance et de son immuabilité.
- Cependant, la mise en œuvre d’une chaîne de blocs nécessite une approche éthique articulant la conception et les résultats sociétaux. Dans cette optique, la publication identifie quatre étapes cruciales pour la mise en œuvre d’une chaîne de blocs éthique : la définition claire du problème, l’identification des différentes approches éthiques, l’évaluation des écosystèmes ainsi que la définition des valeurs et des principes directeurs.
- L’ensemble des parties prenantes, des praticiens aux décideurs politiques, partage la responsabilité de s’assurer des approches éthiques lors de la conception et de la mise en œuvre des chaînes de blocs afin de créer un impact social positif.
- Aucune méthode n’a été établie/détaillée dans la publication.
- Aucune limite de la recherche n’est mentionnée dans la publication.
Il n’y a pas d’information concernant le financement dans l’article.