Transformer la communication entre les citoyens et le gouvernement grâce aux chatbots

Androutsopoulou, A., Karacapilidis, N., Loukis, E., Charalabidis, Y. (2019). Transforming the communication between citizens and government through AI-guided chatbots. Government Information Quarterly, 36, pp. 358-367.

Contexte

Au cours des dernières années, plusieurs solutions d'intelligence artificielle (IA) ont été implantées dans le secteur public. Malgré les récentes avancées technologiques et la disponibilité des données massives, des recherches approfondies sont encore nécessaires pour exploiter pleinement le potentiel de l'IA dans le secteur public, notamment pour améliorer les interactions entre le gouvernement et les citoyens. Cet article détaille une approche pour créer et exploiter les chatbots dans le secteur public. Si l’utilisation de chatbots est une tendance croissante au sein du secteur privé, son emploi dans le secteur public est présenté comme un canal de communication permettant une interaction plus riche entre les citoyens et le gouvernement, facilitant ainsi tant la recherche d'informations que la réalisation de transactions. L’approche détaillée dans cette publication a été élaborée en coopération avec trois agences gouvernementales grecques (le Ministère des finances, une organisation opérant dans le domaine de la sécurité sociale ainsi qu’une agence municipale). Les résultats présentés dans cet article sont pertinents pour le développement et les recherches futures en lien avec l’utilisation des chatbots dans le secteur public.

Définition

Les chatbots, aussi appelés « agents conversationnels » ou simplement « bots », sont des agents virtuels qui ont la capacité de dialoguer avec un utilisateur. Ils consistent en une catégorie spécifique de logiciels basés sur l'IA développés par les entreprises pour automatiser les communications et la gestion des actions avec leurs clients. Ils interagissent avec les utilisateurs dans un format conversationnel et imitent la conversation humaine. L’utilité des chatbots est de réduire considérablement la charge administrative des organismes publics et faire progresser la communication entre le gouvernement et les citoyens dans le cadre de la fourniture de services publics.

Résultats

En matière d’interactions entre le gouvernement et les citoyens, le paradoxe suivant a été mis en évidence par les recherches sur les services gouvernementaux en ligne : bien que les canaux de communication traditionnels entre les services gouvernementaux et les citoyens (p.ex., les visites en personne aux bureaux des agences gouvernementales, les appels téléphoniques) occasionnent des coûts d’utilisation plus élevés, les citoyens continuent à les privilégier aux canaux numériques ayant pourtant un coût inférieur.

Dans les faits, les services publics en ligne sont utilisés par les citoyens dans une proportion bien inférieure aux attentes initiales. Le principal facteur explicatif est l’expérience que l’utilisateur possède du canal de communication et, par extension, de ses connaissances des apports potentiels. Par ailleurs, les études ont montré que les tâches numériques principales opérées par les citoyens étaient peu complexes (p.ex., recherche d'informations concernant un programme, paiement en ligne pour un service) et ne permettaient pas un riche échange d’informations.

Les chatbots conçus par les chercheurs peuvent répondre intelligemment aux messages en langage naturel des citoyens. Ils sont très efficaces pour leur fournir les informations spécifiques qu'ils recherchent et à les aider à effectuer correctement les transactions appropriées. Par conséquent, les chatbots permettent de dépasser le paradoxe relatif de l’utilisation des services publics en ligne, en proposant à faible coût, un moyen de communication ayant une plus grande richesse et expressivité de communication, et permettant aux citoyens de communiquer avec le gouvernement dans leur langue naturelle quotidienne.

Messages clés pour la politique et la pratique
  • La principale contribution de cette recherche est de détailler le processus d’élaboration d’un chatbot dont l’objectif est de couvrir les besoins en matière de communication entre les citoyens et les gouvernements.
  • En pratique, cette recherche vise à résoudre le paradoxe en matière d’utilisation des services gouvernementaux en ligne (c’est-à-dire, malgré des coûts d’utilisation bas, les taux d’utilisation restent faibles). Face à cette situation paradoxale, la plus-value du chatbot est de combiner d’une part, un canal de communication dont le coût d’utilisation est réduit et d’autre part, la possibilité d’échanger des informations détaillées et pertinentes en ligne.
  • L’élaboration de la base de connaissances requise par ces chatbots est cruciale. Les experts publics doivent veiller à inclure l’ensemble des documents importants (textes de loi, règlements, formulaires administratifs), les données internes pertinentes contenues dans leur système d’information et, éventuellement, les données provenant de médias sociaux pertinents en fonction des sujets et des thèmes traités par le chatbot.
Méthode et limites de la recherche

Pour développer le chatbot, les chercheurs ont, tout d’abord, organisé des ateliers avec les trois agences gouvernementales. Durant ces ateliers, des personnes expérimentées dans la fourniture de services d'administration en ligne ont pu détailler les données disponibles et les services fournis par l’agence. Lors de ces ateliers, une approche qualitative a été utilisée pour recueillir des informations pertinentes en vue de concevoir l'architecture de la plateforme de chatbot. Par la suite, en utilisant les technologies de traitement du langage naturel, d'apprentissage automatique et d'exploration des données, les chercheurs ont formulé une série de scénarios d’application. Ces scénarios ont été validés par les trois organisations publiques grecques.

La principale limite de la recherche est que, bien que le chatbot ait fait l'objet d'une évaluation et d'une validation par des praticiens expérimentés au sein des trois organisations, son application doit être évaluée au moyen d'un ensemble d'indicateurs de performance clés, indiquant l'utilité et la facilité d'utilisation de l'approche proposée pour les utilisateurs.

Une seconde limite est la langue grecque. Les chercheurs s’attendent à ce que les performances des chatbots dans d'autres langues (notamment, en anglais) soient plus élevées. En effet, la complexité de la langue grecque et le peu de ressources lexicales disponibles pour cette langue ont été des freins à la conception du chatbot.

Une troisième limite est le contexte organisationnel. Les ateliers et le scénario des applications ont été réalisés au sein de l’administration grecque, qui se caractérise par une législation et des processus administratifs complexes. Les chercheurs s’attendent donc à ce que l'application de l'approche proposée soit plus facile dans d'autres contextes nationaux ayant une législation et des processus administratifs plus simples.

Financement de la recherche

Il n’y a pas d’information concernant le financement dans l’article.