Métiers de la fonction publique : motifs et modèles de transition numérique

Pène, S. (2020). Métiers de la fonction publique : motifs et modèles de transition numérique. Approches théoriques en Information Communication (1), 58-80.

 

Contexte

La transformation numérique est une notion apparue au début des années 2000. Elle est associée à l’administration numérique, la dématérialisation de l’information, ou à la conception de systèmes d’information et de systèmes logiciels dimensionnés. Pour les organisations publiques, le pilotage par les données (Data driven strategy) requiert une réorganisation des tâches et des objectifs. Les identités professionnelles peuvent en être profondément affectées. Cette publication décrit le lexique utilisé pour traiter des effets de la transformation numérique sur les métiers. La chercheuse procède à une analyse de discours de six fiches métiers produites par une organisation publique française. Ces fiches décrivent les compétences transversales qui sont nécessaires dans ces métiers dans un contexte de transformation numérique.

Définition

Le pilotage par les données réfère à la définition des activités professionnelles par l’utilisation des données. La chercheuse définit également le concept d’innovation dans la fonction publique comme des réponses aux problèmes épineux qui réunissent des personnes concernées et qui travaillent en réseaux pour acquérir la capacité d’innover.

Résultats
  • Les fiches métiers analysées regroupent trois catégories de motivation pout la transformation numérique : 1) les irritants d’un métier ou sa faible attractivité, 2) l’offre technologique et la disponibilité accrue de données et 3) les facteurs sociaux, démographiques et géopolitiques.
  • Deux types de transformations des activités professionnelles sont transversales aux différents métiers:
    • L’automatisation, qui comprend:
      • Le traitement des données (captation, collecte, analyse, calcul) ;
      • L’assistance (transport de plats, de matériel, surveillance par objets connectés) ;
      • L’assistance par interface de gestion (systèmes de planification, correction de copies) ;
      • L’assistance augmentée (robots d’aide à la chirurgie, télémédecine) ;
    • La coopération, qui comprend:
      • Le partage de bases de connaissances, d’articles ;
      • La recherche collaborative;
      • Les relations (clavardage, téléconsultation, échanges).
  • La communication à distance domine dans le profil des médecins. La transformation de l’aide-soignant est axée sur la robotique et la cobotique, tandis que les métiers de surveillance et de combat sont marqués par le thème des données : captation de données en temps réel, et de sources multiples (données personnelles publiques, images, données du système d’archives, signaux de capteurs de géolocalisation).
  • La chercheuse identifie trois catégories de métiers auxquelles se rapportent les objets numériques cités dans les fiches : les objets numériques reliant l’humain à l’humain, ceux reliant une machine à l’humain et celle reliant une machine à une machine.
  • La littératie des données n’est pas mentionnée dans les fiches métiers. Généralement, les défis contemporains de la transformation numérique ne sont pas introduits dans la vision métier qui se déploie
Messages clés pour la politique et la pratique
  • Les fiches métiers mentionnent implicitement les conséquences du pilotage par les données sur les activités professionnelles. Les questions de coopération transversale, de compétences liées aux données et de la régulation des plateformes numériques ne sont pas explicites. La chercheuse recommande de « lever le déni » sur la requalification des employés pour qu’ils puissent maîtriser les connaissances liées aux données.
  • Les agents publics craignent la raréfaction du travail face à l’automatisation, ainsi que l’incertitude causée par l’affirmation que 80 % des métiers de 2030 n’existent pas aujourd’hui.
Méthode et limites de la recherche
  • La recherche est qualitative.
  • Les fiches métiers analysées par la chercheuse proviennent de deux volumes publiés, en novembre 2018 et décembre 2019, par la Direction Interministérielle de la Transformation Publique [DITP] française. Ces volumes contiennent 16 fiches sur des métiers de la fonction publique et comment la transformation numérique est susceptible de les affecter.
  • Les six fiches sélectionnées pour la recherche sont : le métier des forces de sécurité, le métier d’enseignant, le métier de chercheur, le métier des militaires, les médecins et les métiers d’aide-soignant.
  • La chercheuse analyse le vocabulaire et les modèles d’argumentation pour déterminer si les fiches proposent une vision de la transformation numérique qui est celle de la rationalisation [standardisation, automatisation, productivité] ou celle de la capacitation des individus et des collectifs.
  • Cette recherche comporte plusieurs limites. Premièrement, cette étude est un simple test qui s’appuie sur la classification lexicale et sémantique, et l’analyse de raisonnements.  Deuxièmement, l’objectif se limite à décrire la tension qui peut exister dans le discours public de modernisation entre une « vision » et une traduction opérationnelle.

 

Financement de la recherche

La publication ne compte pas d’information sur son financement.