L’utilisation des mégadonnées dans le secteur public : entre optimisme et pessimisme

Vydra, S., & Klievink, B. (2019). Techno-optimism and policy-pessimism in the public sector big data debate. Government Information Quarterly, 36(4), 101383.

Contexte

Le discours entourant l’arrivée des mégadonnées dans le secteur public est empreint de promesses de changements dans l’administration publique. Malgré cela, l’adoption des mégadonnées tarde et se réalise de manière inégale. Étant donné que la littérature sur le sujet démontre que cette technologie aura des impacts positifs profonds, il semble y avoir un décalage difficile à expliquer entre la théorie et la pratique. Cette publication tente ainsi de comprendre et d’expliquer ce décalage en confrontant deux visions présentes dans la littérature : la première est techno-optimisme et la seconde est politico-pessimiste. En confrontant ces deux discours, les chercheurs visent à identifier les principales divergences pour, ensuite, identifier des points de réconciliation permettant d’avoir des attentes plus réalistes quant à leurs possibles contributions.

Définition

Cette publication aborde plusieurs concepts. Premièrement, les chercheurs retiennent la définition des quatre « V », soit que les mégadonnées réfèrent à une grande quantité de données (volume), hétérogènes (variété), générées rapidement (vélocité) avec une bonne validité (véracité). Deuxièmement, il est important de décrire les deux visions présentées dans la publication. Ce qui les différencie, c’est leur unité d’analyse. D’une part, les techno-optimistes se concentrent sur les données et les analyses pouvant en être produites alors que les politico-pessimistes se concentrent plutôt sur l’analyse et la décision humaine qui peut être produite de ces données. Par exemple, sur l’amélioration de la qualité des analyses, les techno-optimistes avancent que les mégadonnées permettent de colliger davantage d’information, de formuler de meilleurs modèles, d’être mieux informé et ainsi prendre de meilleures décisions. Les politico-pessimistes avancent quant à eux que le volume de donnée n’est pas un gage de qualité et que cela ouvre la porte à choisir les données qui vont dans le sens de notre objectif et d’écarter les autres.

Résultats
  • Un point qui revient fréquemment dans le débat sur les mégadonnées, c’est leur capacité à réaliser un meilleur portrait de la réalité, permettant ainsi d’améliorer les décisions. Toutefois, les mégadonnées n’offrent pas toujours une plus grande précision et la traduction de cette précision en meilleures politiques publiques est beaucoup plus complexe.
  • La vélocité des mégadonnées est souvent perçue comme étant positive puisqu’elle permet de prendre des décisions plus rapidement et de favoriser ainsi une intervention publique plus rapide. Toutefois, ce n’est pas toujours souhaitable :
    • Lorsque la décision est prise rapidement, cela risque de se faire sans connaître les effets à long-terme sur la politique.
    • Il faut aussi considérer que les systèmes de prise de décision de l’administration publique sont souvent de nature bureaucratique ce qui fait en sorte qu’on ne peut bénéficier pleinement de la vélocité des mégadonnées.
  • Les mégadonnées soulèvent un questionnement quant à l’analyse qui en est faite. Les techno-optimistes assument que les corrélations identifiées dans les mégadonnées peuvent se substituer à la causalité. Or, la corrélation elle-même ne permet pas de comprendre le phénomène observé.
  • Les mégadonnées ont un désavantage, celui du respect de la vie privée. Cela est problématique puisque la force des mégadonnées vient du fait qu’il est possible de créer des modèles complexes en prenant en compte un grand nombre de paramètres. Toutefois, l’administration publique a la responsabilité d’assurer le respect de la vie privée, ce qu’elle fait en anonymisant les données.
Messages clés pour la politique et la pratique
  • Les mégadonnées ont des qualités intrinsèques dont l’importance peut être cruciale en fonction de la source de ces données, de leur méthodologie ou de la question politique à laquelle on tente de répondre. Dans certains domaines, elles auront un impact très important alors que dans d’autres secteurs, elles vont continuer de stagner;
  • Pour alimenter des décisions en matière de politiques publiques, les mégadonnées sont ultimement soumises à une administration publique et ses dynamiques décisionnelles existantes. Le fait d’avoir de « meilleures » données « plus rapidement » peut affecter ces processus de manière difficilement prévisible et ainsi aboutir à des résultats plus ou moins positifs;
  • L’adoption des mégadonnées se fera de manière inégale et progressive en fonction des avantages et désavantages de secteurs ou de sources spécifiques. Ces compromis qui permettront leur adoption prendront du temps, de l’énergie et ne seront pas entièrement rationnels puisqu’ils s’inscriront dans un agenda organisationnel particulier.
Méthode et limites de la recherche
  • Il s’agit d’une revue des arguments en faveur et défaveur des mégadonnées dans l’administration publique.
  • La publication ne détaille pas la méthode mobilisée.
  • La principale limite de la publication réside dans le fait que les chercheurs ont dû catégoriser la littérature dans une dualité alors que la réalité est beaucoup plus complexe. Ainsi, des simplifications ont dû être faites et, par conséquent, la catégorisation manque de nuance.
Financement de la recherche

La publication fait mention d’un appui financier de la part du European Research Centre for

Economic and Financial Governance (EURO-CEFG).