Les unités numériques gouvernementales et leur rôle dans la transition numérique de l’État

Clarke, A. (2020). Digital government units: What are they, and what do they mean for digital era public management renewal? International Public Management Journal, 23(3), 358‑379.

Contexte

La plupart des administrations publiques n’ont pas de feuille de route détaillée en matière de transformation numérique. Par ailleurs, les dépassements de coûts inhérents à cette transition sont fréquents et les services informatiques ont de la difficulté à se maintenir à jour avec les standards technologiques. Pour remédier à ce problème, plusieurs administrations publiques ont mis sur pied des unités spécialisées et dédiées à la transformation numérique au sein de l’administration publique à savoir, les unités numériques gouvernementales (digital government units). Comme ces unités administratives spécialisées sont encore relativement peu analysées, cette publication vise à les étudier, à identifier leurs caractéristiques, leur utilité et limites. Pour ce faire, le chercheur a conduit une revue de la littérature portant sur six unités numériques gouvernementales (UNG) dans différents pays. Il s’agit du Service numérique gouvernemental (SNG) britannique, du SNG canadien, du SNG ontarien, de l’Agence australienne de transformation numérique, du 18f américain et du Service numérique américain.

Définition

La publication porte sur les unités numériques gouvernementales (UNG). Ces unités se distinguent des autres entités publiques par l’importance de l’agilité organisationnelle, de leur approche centrée sur le client (p.ex., la tenue de projets alpha et des bêta afin d’obtenir les rétroactions des clients et corriger le tir), de leur volonté de développer une expertise interne (p.ex., utilisation minimale des consultants), de leur pluralisme externe (p.ex., réduction de la taille des contrats permettant à un maximum de compagnies de soumissionner) ainsi que du recours aux ressources centralisées et partagées à l’ensemble de l’administration publique.

Résultats
  • Le modèle des UNG s’avère être un instrument efficace d’acquisition de talents. En effet, il permet aux professionnels peu attirés par la culture bureaucratique de l’administration publique d’y trouver un emploi à leur image. De plus, la création des UNG suscite davantage leur intérêt à poursuivre une carrière publique en tant que professionnel du secteur des technologies de l’information.
  • Les UNG ont produit des résultats importants, des économies et des améliorations de service substantielles. En pratique, de nombreux projets d’UNG ont gagné des prix internationaux comme la plateforme 18f (il s’agit d’une équipe dédiée à la résolution de problèmes numériques et au développement de solutions novatrices pour le secteur public américain). Elles agissent comme des consultants, mais font partie du General Services Administration (GSA) qui a été mise en évidence par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Du côté britannique, le Service numérique gouvernemental aurait permis d’économiser près de 1,7 milliards de livres en 2014.
  • Il convient toutefois de nuancer ces résultats en mentionnant que les UNG tendent, en premier lieu, à entreprendre des projets faciles et simples afin de démontrer leur valeur et d’assurer leur financement.
  • Bien que les économies générées par les UNG soient importantes, elles ne sont pas linéaires et peuvent, sur le long terme, être moins impressionnantes que lors de leur implantation.
Messages clés pour la politique et la pratique
  • Les UNG ont le potentiel de contribuer à la transformation numérique du gouvernement en s’appuyant sur des méthodes agiles.
  • Les UNG adoptant une dynamique collaborative, délibérative, basée sur la confiance et s’adaptant aux besoins spécifiques des organismes publics tendent à produire de meilleurs résultats.
  • Il peut être tentant de donner une position centrale à une UNG et lui conférer davantage de pouvoir que les autres ministères. Cette approche peut toutefois engendrer des résistances et freiner l’UNG et la transition numérique.
  • Comme les infrastructures informatiques transcendent les chaînes d’imputabilités classiques, il faut définir avec minutie le rôle de chacun ainsi que les responsabilités entre les UNG et les organismes partenaires. Par exemple, l’expérience du SNG britannique a démontré que le fait qu’une organisation centrale ait le pouvoir d’agir sur les infrastructures informatiques d’un autre ministère pose de sérieuses questions de qui en est imputable.
  • Les obstacles principaux à la longévité des UNG se trouvent dans l’opposition du milieu des affaires. En effet, les acteurs économiques privés tendent à perdre des contrats publics importants.
Méthode et limites de la recherche
  • Il s’agit d’une étude qualitative de type étude de cas;
  • La publication se base sur deux sources documentaires. Primo, une revue de la littérature a été effectuée en utilisant les noms des différentes UNG, en parcourant les sites internet de différents gouvernements, des stratégies numériques, des rapports parlementaires ainsi que des articles de revues. Secundo, cinq entretiens ont été menés auprès de fonctionnaires du Service digital gouvernemental britannique sélectionnés de manière à représenter différentes fonctions (programmeurs, analyste, communications) et niveaux d’autorités (fonctionnaires vs gestionnaires).
  • Les données ont fait l’objet de deux analyses successives. La première visait à identifier les différences et les similitudes entre les UNG et ce, en fonction de trois dimensions : la philosophie, la structure de gouvernance et les ressources. La deuxième visait à identifier les défis et les enjeux émergeants avec la création d’UNG.
  • La principale limite de cette publication est le faible nombre d’UNG étudiées. En effet, au moment de sa rédaction, seules six UNG existaient dans le monde. Par ailleurs, le tiers d’entre elles était encore à un stade embryonnaire.
Financement de la recherche

Cette publication a été financée par le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (bourse #430-2015-00501).