Les freins administratifs à l’ouverture de données gouvernementales

Huang, H., Liao, C. Z. P., Liao, H. C., & Chen, D. Y. (2020). Resisting by workarounds: Unraveling the barriers of implementing open government data policy. Government Information Quarterly, 37(4), 101495.

 

Contexte

L’ensemble des valeurs publiques du gouvernement ouvert (à savoir la transparence, la responsabilité, la participation civique et la collaboration) est difficile à mettre en œuvre sans le travail adéquat des fonctionnaires. Dans la littérature sur les barrières aux données publiques ouvertes, plusieurs chercheurs ont souligné les obstacles qui empêchent l’agencement de la demande pour ces données avec l’offre du secteur public. Le rôle des fonctionnaires est inclus dans les barrières potentielles au développement des données gouvernementales ouvertes. Certains chercheurs ont, par exemple, avancé que les fonctionnaires tendent à publier des données publiques sûres et non problématiques pour le gouvernement. L’objectif de cette publication est d’indiquer que la perception, par les fonctionnaires, de risques liés à la publication de données gouvernementales ouvertes peut les conduire à mener une résistance stratégique indésirable.

Définitions

  • Le concept de gouvernement ouvert se réfère aux mécanismes politiques transparents et participatifs qui conduisent à une meilleure responsabilisation du gouvernement.

Les perceptions de risque pour la responsabilisation se réfèrent aux jugements sur la probabilité qu’un événement négatif se produise. En effet, le gouvernement ouvert peut être vu comme une perte de pouvoir du gouvernement. Les chercheurs distinguent les risques perçus pour la responsabilisation individuelle et les risques perçus pour la responsabilisation collective. Les fonctionnaires peuvent, par exemple, craindre d’être responsables pour des fuites de données (responsabilisation individuelle) ou que leur agence ou département soit questionnés par les élus (responsabilisation collective).

Résultats
  • 85 % des répondants ont indiqué faire la promotion des données gouvernementales ouvertes.
  • 66 % des répondants ont signalé publier des données gouvernementales ouvertes de manière routinière.
  • 61 % ont indiqué procéder à de la surcharge lors de la publication de données gouvernementales (télécharger le plus de jeux de données possible).
  • 64 % des répondants ont indiqué divulguer des données gouvernementales seulement si la loi sur l’accès à l’information les y obligeait.
  • 45 % des répondants ont indiqué divulguer des données gouvernementales seulement si les citoyens en faisaient la demande.
  • À propos de la publication et de la promotion des données gouvernementales ouvertes :
    • Les répondants sont légèrement moins susceptibles de les divulguer et de les promouvoir lorsque leur perception des risques pour la responsabilisation individuelle augmente.  Dans ce cas de figure , un fonctionnaire est légèrement plus enclin à procéder à une révision administrative avant de les publier.
    • Les répondants sont légèrement plus susceptibles de les divulguer et de les promouvoir lorsque leur perception des risques pour la responsabilisation organisationnelle augmente. Un fonctionnaire est légèrement plus susceptible d’adopter des comportements de divulgation sélective.
    • La possession de directives détaillées réduit la probabilité qu’un fonctionnaire les publie seulement si la loi sur l’accès à l’information l’exige (-19 %) ou si seulement des citoyens en font la demande (-15 %).
  • Le principal résultat est que les solutions de contournement principales (révision administrative et divulgation sélective) sont motivées par les risques que les fonctionnaires perçoivent pour eux-mêmes et les solutions de contournement de freinage (publication de données gouvernementales seulement lorsque les citoyens le demandent ou lorsqu’il y a une demande par la loi sur l’accès à l’information) sont motivées par les risques que les fonctionnaires perçoivent pour l’organisation.
Messages clés pour la politique et la pratique
  • Il est crucial de trouver des solutions au problème de la rétention d’informations et des données dans le secteur public. Trouver des solutions nécessite d’identifier les fonctionnaires présentant un niveau élevé de risques perçus dans le processus de la transformation numérique et de comprendre leurs inquiétudes.
  • Davantage d’attention devrait être accordée à l’interprétation des tensions entre la position des fonctionnaires dans la hiérarchie organisationnelle et leur capacité à prendre des risques.
  • Avec l’accent mis sur une politique de données ouvertes plus volontariste dans le monde entier, les fonctionnaires pourraient continuer à souffrir de charges administratives supplémentaires et de leur méfiance envers les élus ou les citoyens.
  • Trois éléments peuvent entraîner des risques pour la responsabilisation :
    • Une distribution floue des responsabilités dans la charge de travail liée aux données gouvernementales ouvertes.
    • Une asymétrie d’informations entre ceux qui gèrent les données et ceux qui sont en mesure d’interpréter les données.
    • Des défaillances inattendues du système (fuite de données personnelles ou des erreurs dans les données).
Méthode et limites de la recherche
  • La publication est une recherche quantitative effectuée à Taïwan. 
  • Les données utilisées proviennent du Public Servant Open Government Data Survey. Elles ont été récoltées entre septembre et octobre 2017.
  • Les questionnaires ont été envoyés par la poste à 134 unités faisant partie des 34 ministères du gouvernement central taïwanais. 184 départements au sein des 22 gouvernements locaux de Taiwan ont également reçu le questionnaire. Au sein de chaque unité ou département, les chercheurs ont sélectionné jusqu’à trois fonctionnaires en charge des tâches liées aux données gouvernementales ouvertes. Trois fonctionnaires de plus, sélectionnés aléatoirement et non attitrés aux tâches liées au gouvernement ouvert, étaient également invités à participer. Le taux de réponse au sondage a été de 97 % avec un total de 1921 répondants.
  • Les chercheurs analysent les comportements stratégiques des fonctionnaires à l’aide de modèles de régression logistique.
  • La variable dépendante est le comportement bureaucratique des fonctionnaires. Elle est mesurée par sept éléments de sondage à propos des différents comportements des fonctionnaires au travail. Une échelle de 1 (très improbable) à 6 (très probable dans mon emploi) est utilisée.
  • Les chercheurs utilisent les risques perçus pour la responsabilisation comme variable explicative. Les chercheurs ont contrôlé l’attitude personnelle envers les données gouvernementales ouvertes et le climat organisationnel. Les chercheurs ont contrôlé les caractéristiques personnelles des répondants (genre, âge, poste, rôle de gestion, type d’agence gouvernementale).
  • Les résultats doivent être interprétés à la lumière des limites de la recherche :
    • Il est possible que des variables explicatives aient été omises, par exemple l’effet de la nature spécifique du travail des fonctionnaires ne peut pas être examiné. Le fait qu’un fonctionnaire travaille avec des données confidentielles ou liées à la sécurité nationale pourrait avoir une influence sur le comportement des fonctionnaires face aux données gouvernementales ouvertes.
    • Le sondage ne compte pas de questions sur le niveau de probabilité des différents risques de la publication des données gouvernementales ouvertes pour la responsabilisation. Les chercheurs n’ont pas pu mesurer le jugement des fonctionnaires sur la probabilité que les risques perçus puissent avoir lieu.
    • La généralisation des résultats est limitée par le fait que la recherche compte uniquement comme répondants des fonctionnaires taïwanais.
Financement de la recherche

Le financement de cette recherche a été fourni par le National Development Council, le Taiwan E-Governance Research Center (TEG) et le Taiwan Institute for Governance and Communication Research.