Les facteurs d’acceptabilité de l'utilisation des services gouvernementaux numériques dans les États européens

PÉREZ-MOROTE, R., PONTONES-ROSA, C., NÚÑEZ-CHICHARRO, M. (2020). The effects of e-government evaluation, trust and the digital divide in the levels of e-government use in European countries. Technological Forecasting & Social Change, 154.

 

 

Contexte

D’importants investissements publics pour améliorer les services publics en ligne ont été réalisés au cours des dix dernières années. Cependant, l'utilisation de ces services par les citoyens reste limitée. L’augmentation de l’utilisation des services publics en ligne constitue un défi majeur pour les gouvernements nationaux. Cette recherche vise à vérifier si certaines caractéristiques des États européens (p.ex., la confiance des citoyens dans leur gouvernement, le revenu par habitant, l'éducation, l'âge et le lieu d’habitation (urbain ou rural) peuvent expliquer l'utilisation de l'administration en ligne par les citoyens. De plus, la publication identifie les interactions entre les caractéristiques étudiées et le niveau d'utilisation de l'administration en ligne. Pour ce faire, les chercheurs ont analysé les données provenant d’un panel des 27 États-membres européens durant la période 2010 à 2018. Cette publication contribue donc à mieux comprendre les déterminants de l'utilisation de l'e-gouvernement dans le contexte européen.

Définition

L’administration électronique, ou le e-gouvernement, est définie comme l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) par les agences gouvernementales.

 

Résultats
  • Une première relation positive et significative entre l'utilisation de l'administration électronique et les pratiques d’évaluation de performance de l'administration électronique a été mise en évidence. Cette relation tend à montrer que les perceptions des individus influencent le niveau d'utilisation de l'administration électronique.
  • Une seconde relation positive et significative entre le niveau de confiance dans un gouvernement et l'utilisation des services d'administration en ligne a été mise en évidence. Toutefois, l'analyse des données a révélé deux tendances majeures : d'une part, une diminution significative et généralisée des niveaux de confiance dans les pouvoirs publics; d'autre part, une baisse plus marquée de la confiance a été observée dans les États présentant une utilisation plus faible de l'administration en ligne.
  • Une troisième relation positive existe entre l'utilisation de l'e-gouvernement et le niveau d'éducation.
  • La quatrième relation positive montre que l’utilisation de l’e-gouvernement est influencée par le revenu par habitant.
  • Les chercheurs n’ont pas trouvé d’indication établissant un lien entre l'utilisation de l'administration en ligne et l'âge de la population, ainsi qu’entre l'utilisation de l'administration en ligne et les environnements ruraux ou urbains.
  • Les 27 États-membres européens inclus dans cette étude ont été regroupés en trois groupes selon leur niveau d'utilisation de l'administration en ligne : un groupe faible, un groupe moyen et un groupe élevé.
    • Dans le groupe faible, l’utilisation de l'administration en ligne a le plus fortement augmenté au cours de la période d'étude. Les États inclus dans le groupe faible coïncident, pour la plupart, avec ceux classés dans le groupe des États ayant une administration en ligne non consolidée et ayant un faible taux d’utilisation.
    • Certains États du groupe moyen disposent d'un ensemble de services administratifs en ligne très développés, mais ont été classés dans ce groupe en raison d'un niveau d'utilisation intermédiaire.
  • Les États inclus dans le groupe fort coïncident généralement avec ceux identifiés comme étant très performants en matière d’utilisation. En général, les États situés dans le groupe fort sont : ceux qui présentent les meilleurs niveaux d'utilisation et d’offre d’e-gouvernement ainsi que ceux qui ont le plus amélioré leur offre d'e-gouvernement afin d'encourager la participation citoyenne.
  • En général, la plupart des États sont restés dans le même groupe au cours de la période étudiée. Cependant, d'autres États ont connu un mouvement intergroupe.
    • L'exemple du Danemark illustre l'importance de la perception qu'ont les citoyens et les entreprises des avantages économiques de l'utilisation de l'administration en ligne pour générer des économies de coûts et ce, sans sacrifier la qualité des services.
  • L’expérience des États initialement dans le groupe des États à faible revenu et, par la suite, passés dans le groupe des États à revenu moyen met en évidence la relation positive entre l'investissement dans l'offre de gouvernement électronique et le niveau d'utilisation par les usagers.
  • L’exemple de Malte montre que le développement de multiples canaux de distribution de l'administration en ligne est essentiel pour accroître l'exposition des citoyens à l'offre de services publics numériques et promouvoir leur utilisation.
Messages clés pour la politique et la pratique
  • Les investissements publics dans l'administration en ligne contribuent à accroître l'utilisation de l'administration en ligne. Cependant, cette croissance tend à être proportionnelle aux investissements réalisés. À cet égard, il est nécessaire que les citoyens perçoivent les avantages (notamment économiques) de l'utilisation de l'administration en ligne pour interagir avec leurs gouvernements. Seule une politique d'administration en ligne centrée sur le citoyen, accompagnée de stratégies de communication et de promotion appropriées, équilibre l'offre et la demande de services publics en ligne.
  • Malgré l'austérité financière, les États ont choisi d'investir dans l'administration en ligne. Cette dernière s’est affirmée comme un outil stratégique clé pour améliorer la gouvernance publique, soutenir la reprise économique et servir les citoyens.
  • Les pouvoirs publics doivent s'efforcer de renforcer la confiance des citoyens dans leurs actions. Les conclusions suggèrent qu'encourager l'utilisation de l'administration en ligne pourrait contribuer à cet objectif. Cette relation semble être réciproque. En effet, un niveau de confiance plus élevé semble encourager une plus grande utilisation des services d'administration en ligne.
  • Les investissements publics dans les projets d'administration en ligne ne sont rentables qu'en réduisant la fracture numérique et en garantissant une utilisation équitable de l'administration en ligne par tous les citoyens. Les décideurs publics doivent s'assurer que les citoyens moins riches et moins instruits bénéficient également des fonctions d'administration en ligne.

 

Méthode et limites de la recherche
  • Cette recherche s’appuie sur une étude transversale et longitudinale.
  • L'échantillon final se compose des 27 États-membres européens, pour lesquels des données de 2010, 2012, 2014, 2016 et 2018 ont été compilées.
  • Les données ont été analysées au moyen d'une analyse de régression linéaire multiple et d'une analyse par grappes.
  • L’étude est limitée par la disponibilité des données au niveau national. Les chercheurs n’ont pas disposé d'une variable pour mesurer le niveau de confiance des citoyens dans l'administration en ligne et la technologie dans chaque États. De même, les chercheurs n’ont pas trouvé de données adéquates pour le niveau de formation et de compétences en matière de technologies de l’information. La recherche ne différencie pas l'utilisation volontaire de l'administration en ligne et celle qui est contrainte, notamment en raison de l'inexistence d'une offre « traditionnelle ». D'autres variables, telles que l'utilisation des médias sociaux, n'ont pas pu être prises en compte non plus.
Financement de la recherche

Il n’y a pas d’information concernant le financement dans l’article.