Les enjeux de la coordination inter-organisationnelle : une étude des réseaux de sécurité publique

Fedorowicz, J., Sawyer, S., Tomasino, A. (2018), Governance configurations for interorganizational coordination: A study of public safety networks. Journal of Information Technology, 33, 326–344. 

Contexte

De plus en plus d’organisations développent des activités partagées en s'appuyant sur des infrastructures numériques spécialement conçues pour soutenir ces activités communes. Les organisations qui choisissent de travailler en réseaux sont souvent confrontées à des défis de gouvernance. Par exemple, les efforts des organisations publiques sont entravés par leur dépendance structurelle et financière qui limite leur capacité à collaborer, en particulier lorsque la collaboration dépasse les frontières juridictionnelles.

En tenant compte de ces difficultés, cet article s’intéresse à la gouvernance des systèmes inter-organisationnels (SIO) qui permettent aux institutions publiques de sortir des frontières organisationnelles qui sont bien souvent imperméables. Les auteurs examinent comment les SIO contribuent à améliorer la performance du réseau. L’étude empirique porte spécifiquement sur les réseaux de sécurité publique (PSN) aux États-Unis.  

Définitions  

  • Les réseaux de sécurité publique

Les réseaux de sécurité publique impliquent plusieurs acteurs publics tels que les services de police, les pompiers, les tribunaux, les services correctionnels et d’autres agences de sécurité publique indépendantes, ainsi que des entreprises privées telles que des fournisseurs de technologie, des fournisseurs de services logiciels, des consultants en technologie et des entrepreneurs indépendants. Les réseaux de sécurité publique agissent dans un environnement complexe en raison de la diversité des plateformes et d’architectures informatiques utilisées par les différentes organisations d’une part, et de la multitude de politiques et réglementations locales et nationales concernant le partage d'informations et l'utilisation publique des données, d’autre part.

Les réseaux de sécurité publique facilitent le partage de données et la mise en commun d'informations entre les différents acteurs (ex : accès aux bases de données de permis de conduire, aux procédures judiciaires et correctionnelles, aux données sur les matières dangereuses, aux informations sur les arrestations, incidents ou enquêtes, etc.). Les organisations et agences participantes qui se regroupent dans un réseau de sécurité publique cèdent une partie de leur autonomie au nom d’un objectif commun en matière de sécurité publique.

Les organisations du réseau de sécurité publique sont interconnectées au moyen d’une combinaison d'infrastructures technologiques et de gouvernance partagées. Elles sont structurées autour de plusieurs membres et n'ont pas de hiérarchie ou de structure de décision claire.

  • La gouvernance

La gouvernance englobe les arrangements pour lesquels les acteurs institutionnels s'engagent afin d’assurer la prise de décision, gérer les ressources partagées et mettre en place des mécanismes de coordination et de résolution des différends. Dans cet article, la gouvernance englobe les efforts stratégiques, tactiques et opérationnels.

L’approches de gouvernance de réseau exige que les participants développent et maintiennent la confiance, atteignent un niveau suffisant de consensus autour des objectifs et identifient un ensemble de compétences (ou d’aptitudes) au niveau du réseau.

Résultats

Pour que la gouvernance du réseau réussisse, quatre facteurs doivent être combinés : (1) l’administration des fonds pour soutenir l'effort du réseau ; (2) l’attraction et la rétention des membres de l'organisation ; (3) la fourniture d’une gamme de services organisationnels répondants aux besoins des membres du réseau (4) la création de mécanismes pour maintenir des relations solides avec et entre les membres. Ces quatre facteurs sont conceptualisés dans cette étude sous la forme de compétences : les compétences financières, techniques, organisationnelles et de mobilisation des parties prenantes.

L’étude cherche à savoir quelles sont les combinaisons de compétences du réseau qui améliorent son efficacité. Les résultats montrent que la mobilisation des parties prenantes et la maîtrise des compétences techniques sont des facteurs clés de l'efficacité d’un réseau de sécurité publique.

  • Au niveau technique, une gouvernance efficace des TIC contribue à une efficacité élevée du réseau. Ceci s’explique par le fait que le réseau de sécurité publique existe en grande partie pour soutenir l'infrastructure numérique de partage et de collaboration entre les organisations membres.
  • La mobilisation des parties prenantes est une condition nécessaire (mais pas suffisante) pour que le réseau atteigne son efficacité. Toutes les configurations menant à une efficacité élevée du réseau incluaient la capacité de mobiliser, d’impliquer et de satisfaire les parties prenantes.
  • Les compétences financières et organisationnelles ont quant à elles moins d’influence sur l’efficacité du réseau. Ce constat ne signifie pas que ces compétences sont sans importance, mais suggère que la gestion financière et organisationnelle ne serait pas suffisante pour distinguer les réseaux faiblement ou fortement efficaces.
Messages clés pour la politique et la pratique
  • Les particularités des environnements institutionnels et opérationnels dans lesquels chaque réseau de sécurité publique se développe façonnent la manière dont ces organisations s'adaptent pour réussir.
  • Plusieurs combinaisons de compétences contribuent à l’efficacité d’un réseau de sécurité publique. Ce résultat indique qu’il n’y pas une meilleure façon ou des « meilleures pratiques » faciles à copier. Il est donc important de tenir compte des enjeux contextuels quand vient le temps de développer un réseau.
Méthode et limites de la recherche

L’étude s’appuie sur la méthode d'analyse comparative basée sur des cas ainsi que l'approche d'analyse comparative qualitative à ensembles flous (fsQCA - Fuzzy-set Qualitative Comparative Analysis) qui offre aux chercheurs la possibilité de mener des comparaisons structurées entre plusieurs cas et évaluer leurs différences et similitudes.

Trois aspects de la recherche ont conduit au choix de cette méthode. Premièrement, le nombre de réseaux de sécurité publique à étudier est suffisamment grand pour que de simples comparaisons au cas par cas ne soient pas possibles. Deuxièmement, bon nombre de facteurs qui façonnent ces PSN sont interdépendants, ce qui rend la plupart des approches fondées sur des statistiques paramétriques peu utiles. Enfin, fsQCA fournit les moyens d’évaluer plusieurs modèles potentiellement superposés (appelés configurations dans fsQCA).

La collecte de données sur les réseaux de sécurité publique a été menée par des entretiens téléphoniques. Des informateurs clés ayant occupé des postes de direction au sein de 80 réseaux ont été impliqués. Les entretiens ont permis d’identifier seulement 61 réseaux opérationnels ; 33 d'entre eux sont axés sur les tribunaux ; 28 sont axés sur la police. L’analyse a été basée sur les données des 42 réseaux qui avaient mis en place une structure de gouvernance.

Financement de la recherche

Le texte ne contient pas d’informations sur le financement de l’étude.