Les effets de l’utilisation de l’intelligence artificielle sur la gouvernance publique

Zuiderwijk, A., Chen, Y.-C. et Salem, F. (2021). Implications of the use of artificial intelligence in public governance: A systematic literature review and a research agenda. Government Information Quarterly, 38(3).

 

 

Contexte

La diffusion des technologies d’intelligence artificielle dans le secteur public représente un potentiel important d’amélioration pour les services publics. Ces gains potentiels résident principalement dans l’accroissement de l’efficience et l’efficacité des services ainsi que dans l’élaboration de politiques publiques basées sur les données. En dépit de ces gains, trois problématiques demeurent, à savoir : 1) la rare adoption de ce type de technologie dans le secteur public, 2) les effets d’une complexification croissante de l’intelligence artificielle ainsi que 3) les effets sur la gouvernance, les politiques publiques et la législation actuelle. Cette publication éclaircit ces trois zones d’ombre de la recherche sur l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le secteur public et propose un agenda de recherche pour mieux explorer cet enjeu.

Définition

Dans le cadre de cette publication, les auteurs définissent l’intelligence artificielle comme étant un système qui analyse son environnement et prend des décisions pour atteindre des objectifs donnés. La gouvernance publique, pour sa part, fait référence à toutes les règles et actions relatives aux politiques et aux services publics.

Résultats
  • Tous les articles recensés (n=26) ont moins de trois ans, ce qui démontre l’actualité de la question. La majorité de ceux-ci (n=21) sont de nature qualitative et ne testent ou ne bonifient pas de théories existantes.
  • Les auteurs ont identifié neuf catégories de bénéfices de l’intelligence artificielle en gouvernance publique :
    1. L’efficacité et la performance (par exemple, l’automatisation des processus),
    2. L’identification des risques et le suivi (par exemple, la détection de la fraude),
    3. Les gains économiques (par exemple, la réduction des coûts de main d’œuvre),
    4. Le traitement des données et de l’information (par exemple, la prédiction en temps réel),
    5. Les services publics (par exemple, la rapidité de la prestation),
    6. Les bénéfices sociétaux (par exemple, l’accessibilité des services),
    7. La prise de décision (par exemple, outiller les décideurs publics pour prendre de meilleures décisions),
    8. L’engagement (par exemple, l’amélioration de la communication entre l’État et les citoyens),
    9. La viabilité (par exemple, l’optimisation de l’utilisation des ressources énergétiques).
  • Les chercheurs ont identité huit catégories de défis posés par l’intelligence artificielle en gouvernance publique :
    1. La qualité des données,
    2. L’organisation et la gestion des données (par exemple, la résistance au partage des données),
    3. Les compétences (par exemple, la rareté des experts en intelligence artificielle),
    4. L’interprétation des données (par exemple, l’opacité rend difficile l’interprétation des résultats et leur communication),
    5. Les défis éthiques (par exemple, la discrimination algorithmique de populations marginalisées),
    6. Les défis politiques (par exemple, la question de l’imputabilité et de la justice procédurale),
    7. Les défis sociétaux (par exemple, l’accroissement des inégalités en raison de l’automatisation des emplois),
    8. Les défis économiques (par exemple, l’efficience peut mener à plus de perte d’emplois que de gains).
Messages clés pour la politique et la pratique
  • Pour l’agenda de recherche, deux types de recommandations ont été formulés :
    • En matière de processus, la recherche doit se concentrer sur la spécificité du secteur public, employer une méthodologie plus variée, utiliser davantage de données empiriques, faire preuve de multidisciplinarité et se concentrer sur des exemples spécifiques d’utilisation d’intelligence artificielle.
    • En matière de contenu, les chercheurs recommandent le développement de théories multidisciplinaires sur l’utilisation de l’intelligence artificielle en gouvernance publique, de documenter les cas d’implantation de l’intelligence artificielle dans le secteur public ainsi que d’explorer les sujets de la gestion du risque de l’intelligence artificielle, les modes de gouvernances possibles, l’évaluation des impacts de l’intelligence artificielle et les possibilités de « scaling-up ».
Méthode et limites de la recherche
  • Il s’agit d’une revue systématique de la littérature portant sur l’utilisation de l’intelligence artificielle en contexte de gouvernance publique.
  • Les écrits recensés ont été collectés dans trois bases de données (Web of Science, Scopus et Digital Government Reference Library) à l’aide de termes présents dans le titre ou les mots clefs. Ces termes sont, entre autres, « Artificial intelligence », « AI », « Machine Learning », « Deep Learning » et « Governance », « Government », « Public management » ou « Public policy ».
    • Une fois identifiés, les résumés des articles ont été analysés selon trois critères d’inclusion : l’utilisation de l’intelligence artificielle est centrale à l’article, le contexte du secteur public est central à l’article et les implications de l’intelligence artificielle pour la gouvernance publique doit être au centre de l’article.
    • Ensuite, les articles restants ont été lus, par au moins deux auteurs, pour une évaluation selon quatre critères : la précision, la constance, l’exhaustivité et l’âge.
  • Les articles finaux ont ensuite fait l’objet d’une analyse de contenu par au moins deux chercheurs. Ils ont dégagé des catégories et identifié des unités d’analyse dans chacun des articles.
  • Une limite importante de la publication réside dans le faible nombre d’articles restants à la fin du processus d’épuration (de 85 articles initiaux à 26 finaux). Bien que les résultats permettent de tracer un portrait global, il faut être prudent lorsque vient le temps de tirer des conclusions de nature microscopiques. Une autre limite réside dans le fait que les auteurs ont exclu les documents non-scientifiques. Comme les articles ont un délai avant leur publication et que les connaissances sur le sujet avancent rapidement, cela peut constituer une limite à l’interprétation.
    • Ce faible taux de rétention s’explique par le fait que la plupart des recherches sur le sujet de l’intelligence artificielle ont le terme « IA » sans nécessairement l’aborder, ne l’aborde que de manière conceptuelle, portent sur le secteur privé ou sont de nature exploratoire, limitant ainsi l’utilité des conclusions.

 

Financement de la recherche

Il n’y a pas d’information concernant le financement dans la publication.