Les effets de l'administration en ligne sur les pratiques de corruption

Park, C. H., Kim, K. (2020). E-government as an anti-corruption tool: panel data analysis across countries. International Review of Administrative Sciences, 86(4), pp. 691-707.

 

Contexte

Au cours des deux dernières décennies, de nombreux gouvernements à travers le monde ont adopté l'administration en ligne (e-gouvernement) comme outil de lutte contre la corruption. En matière de lutte contre la corruption, Il existe plusieurs exemples d'utilisation de l'administration en ligne. Ainsi, au Brésil, un système de passation de marchés en ligne appelé Comprasnet a été mis en place pour fournir des informations sur le prix des services externalisés, permettant à des fonctionnaires de haut niveau de surveiller la fixation ou l'inflation des prix par des fonctionnaires corrompus. Cependant, il y a un manque de preuves empiriques sur les impacts de l'e-gouvernement sur la corruption. Dans cette optique, cette publication examine, si l'e-gouvernement réduit la corruption à travers le monde. Pour ce faire, des données ont été collectées longitudinalement entre 2003 à 2016 et ce, dans 214 pays. Par la suite, une analyse quantitative a été réalisée en contrôlant divers facteurs politiques, sociétaux, économiques et technologiques. Les résultats empiriques de cette recherche peuvent être utilisés par les praticiens en vue de l’élaboration de stratégies anti-corruption basées sur des données probantes.

Définition

L'administration en ligne, ou e-gouvernement, est définie de manière générale comme l'utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) par les gouvernements pour les activités internes et de gestion, la production et la fourniture de services publics et l'amélioration des relations avec les parties prenantes non étatiques.

La corruption est définie comme des activités dans lesquelles le pouvoir de la fonction publique est utilisé à des fins personnelles d'une manière qui contrevient aux règles du jeu. La fixation des prix ou l'inflation par des fonctionnaires est un exemple de corruption.

Résultats
  • L’analyse des données tend à confirmer l’hypothèse suivante : si les pays adoptent et mettent en œuvre des services d'administration en ligne (indice de service en ligne) dans leur ensemble, leurs niveaux de corruption tendent à être réduits.
  • L'État de droit a un impact direct significatif sur la réduction de la corruption. L’indice de l’État de droit désigne le niveau de perception de la confiance des agents dans le respect des règles de la société, notamment en matière d'exécution des contrats, de droits de propriété et de justice, et les niveaux de corruption dans le modèle d'administration en ligne. Il existe une relation négative de ce coefficient avec le niveau de corruption dans le modèle d’administration en ligne. D’ailleurs l'État de droit a tendance à avoir un impact plus fort sur la réduction de la corruption que d'autres variables traditionnellement considérées comme des facteurs de lutte contre la corruption.
  • L’indice de gouvernement ouvert s'est avéré statistiquement non significatif. Ce résultat indique que le gouvernement ouvert lui-même n'a pas d'impact direct sur la corruption.
  • L’indice de l’influence démocratique et de la responsabilité désigne la perception relative au mode de sélection du gouvernement par la participation électorale et le niveau de perception de la liberté d'expression, d'association et des médias, et les niveaux de corruption dans le modèle d'administration en ligne. Il existe une relation négative de ce coefficient avec le niveau de corruption dans le modèle d’administration en ligne.
  • L’indice de l'efficacité du gouvernement désigne le degré de perception de la qualité des services publics et civils, ainsi que de la formulation et de la mise en œuvre des politiques, et les niveaux de corruption dans le modèle d'administration en ligne. Il existe une relation négative de ce coefficient avec le niveau de corruption dans le modèle d’administration en ligne.
  • L’indice de la qualité de la réglementation désigne le niveau de perception de la compétence du gouvernement en matière de formulation et de mise en œuvre de réglementations, et les niveaux de corruption dans le modèle d'administration en ligne. Il existe une relation négative de ce coefficient avec le niveau de corruption dans le modèle d’administration en ligne.
  • La mesure de l’adoption des télécommunications estime le nombre d'utilisateurs de l'internet, le nombre de lignes téléphoniques fixes principales, d'abonnés à la téléphonie mobile, d'abonnements à la large bande sans fil et d'abonnements à la large bande fixe pour 100 habitants. La relation entre l’adoption des télécommunications et le niveau de corruption est significative et positive.
  • Les indices associés aux effets interactifs entre l'e-gouvernance d'une part et la stabilité politique, l'État de droit, l'adoption des télécommunications et le niveau de démocratie d'autre part se sont avérés statistiquement non significatifs.
Messages clés pour la politique et la pratique
  • Dans son ensemble, la mise en œuvre de systèmes d’administration en ligne (e-gouvernement) a un impact direct et significatif sur la réduction de la corruption.
  • Le gouvernement ouvert, en tant que type de gouvernement électronique, n'a généralement pas d'effet direct sur la corruption. Le gouvernement ouvert a un effet modérateur sur la réduction de la corruption et ce, en s'appuyant sur l'État de droit. Ces résultats confirment que les pratiques d’e-gouvernement peuvent constituer une mesure anti-corruptive efficace, mais elles ne sont pas suffisantes à elles seules.
  • L'administration en ligne tend à avoir moins d'effet sur la réduction de la corruption que d'autres facteurs administratifs, politiques et juridiques (p.ex., l'efficacité du gouvernement, la qualité de la réglementation et l'État de droit). En pratique, une approche de la lutte contre la corruption combinant à la fois des initiatives d'administration en ligne et d'autres outils de lutte contre la corruption tend à être plus efficace pour réduire la corruption.
  • L’étude a mis en évidence que des niveaux plus élevés d'adoption de la technologie peuvent augmenter la corruption. Ainsi, les TIC peuvent également être utilisées pour corrompre.
Méthode et limites de la recherche
  • L’étude est une analyse de données de panel, menée sur des données longitudinales qui relèvent de 214 pays.
  • Les données s'étendent de 2003 à 2016. Elles ont été collectées auprès de diverses sources, notamment l'ONU et la Banque mondiale. La variable de la corruption est mesurée par le contrôle de la corruption, qui provient des Indicateurs mondiaux de gouvernance (Worldwide Governance Indicators). La variable de l’administration en ligne est mesurée par l'indice de service en ligne de l'enquête sur l'administration en ligne de l'ONU, qui vise à évaluer le niveau d'administration en ligne dans son ensemble. La variable du gouvernement ouvert, en tant que type d'administration en ligne, est mesurée par l'indice d'e-participation de l'enquête de l'ONU sur l'administration en ligne.
  • Pour l’analyse des données, un modèle à effets fixes (FEM) pour l'analyse des données de panel avec des erreurs standard groupées a été réalisé pour examiner les relations entre le gouvernement ouvert, la gouvernance électronique et la corruption. En outre, l’étude a examiné les coefficients normalisés afin de comparer l'importance relative des variables indépendantes sur la corruption.
  • Cette étude présente plusieurs limites.
    • Elle n'a pas pris en considération les initiatives mondiales établies par les organisations intergouvernementales pour la réduction de la corruption, telles que la Convention des Nations Unies contre la corruption.
    • Elle n'a pas pris en compte les effets décalés de l'e-gouvernement et du gouvernement ouvert sur la corruption, car cette étude a utilisé un modèle à effets fixes (FEM).
    • Elle n'a pas pris en compte les facteurs éducatifs et économiques en tant que modérateurs, alors que les différents niveaux de maturité en matière d'éducation et d'économie au niveau national peuvent modérer les relations entre l'e-gouvernement et la corruption.
    • Bien que cette étude ait trouvé des preuves empiriques de l'impact de l'e-gouvernement sur la réduction de la corruption, l'interprétation de ces résultats peut être limitée, car la recherche a utilisé des indices agrégés pour mesurer les variables.
Financement de la recherche

Les auteurs n'ont reçu aucun soutien financier pour la recherche, la rédaction et la publication de cette publication.