Les défis et les opportunités de l’intelligence artificielle dans le secteur public

Mikalef, P., Fjørtoft, S. O., & Torvatn, H. Y., (2019), Artificial Intelligence in the Public Sector: A Study of Challenges and Opportunities for Norwegian Municipalities, in Conference on e-Business, e-Services and e-Society, pp. 267-277. 

Contexte

Durant ces dernières années, l’intérêt pour l’utilisation de l'intelligence artificielle (IA) au sein des organisations privées et publiques s’est accru considérablement. L'argument principal sous-tendant l'application des technologies de l'IA dans les organisations est qu'elles peuvent améliorer, voire dans certains cas remplacer la prise de décision et l'action humaine. L’IA offre donc la possibilité d'allouer les ressources humaines à des tâches plus significatives et moins répétitives, tout en améliorant l'efficacité, en réduisant les erreurs et en diminuant les coûts. Dans le domaine public, les applications de l’IA sont variées (p. ex., utilisation de chatbots pour interagir avec les citoyens sur les procédures, système de détection des fraudes, gestion de flotte de véhicules). Cependant, en dépit de nombreuses promesses, il existe encore une compréhension très limitée autour de l'adoption de l'IA, des attentes, ainsi que des défis auxquels les organisations sont confrontées lors de l’introduction de l’IA. Ce problème est particulièrement apparent dans le secteur public. En se basant sur cet état des connaissances et sur les grandes promesses que l'IA peut apporter aux organismes publics, cette publication explore le niveau actuel d'adoption de l'IA dans différents domaines d'application du secteur public. Cette recherche cherche également, d’une part, à identifier les principaux défis auxquels les organismes publics sont confrontés lorsqu'ils utilisent de telles technologies et, d’autre part, à déterminer où se situe le plus grand potentiel d’application de l’IA pour les organisations publiques. Pour ce faire, la recherche s’est focalisée sur l’utilisation de l’IA dans des municipalités norvégiennes. Dans ces municipalités, trois technologies ont été mises en œuvre : (1) DigiSos (un service numérique pour permettre aux citoyens de demander des allocations et des services sociaux), (2) DigiHelse (un service donnant la possibilité aux citoyens de visualiser les services offerts par leur municipalité) et (3) Minside (un service donnant aux citoyens l’accès à toutes les informations relatives à leur municipalité).

Définition

Le concept central de cette publication est celui de l’intelligence artificielle (IA). Dans la publication, les chercheurs emploient une définition générique de l’IA. Pour ceux-ci, l’IA est définie comme un ensemble de technologies simulant les processus cognitifs humains, y compris le raisonnement, l'apprentissage et l'autocorrection.

Résultats
  • La plus grande partie des répondants ont indiqué que leur organisation n'avait pas encore adopté l'IA, tandis que 10,9 % des répondants indiquaient que leur organisation avait commencé à déployer l'IA dans l'année et 19,6 % utilisaient l'IA depuis un à deux ans. Ces résultats montrent que l'adoption de l'IA dans les municipalités de Norvège est encore très faible et très récente.
  • Les applications les plus populaires de l'IA pour les municipalités en Norvège comprennent les agents virtuels intelligents qui interagissent avec les citoyens (28,9 %), les traductions en temps réel pour les réunions (21,1 %), ainsi que le traitement des demandes et l'automatisation de la saisie des données, avec 15,7 % chacun. Ces résultats montrent une tendance claire à utiliser l'IA principalement pour interagir avec les citoyens, aider les fonctionnaires dans les tâches administratives ou offrir une aide supplémentaire pour la communication.
  • Les résultats montrent que certains domaines d'utilisation de l'IA présentent un intérêt croissant pour les municipalités. Tout d'abord, l'utilisation de chatbots est considérée par les répondants comme une priorité absolue dans un avenir proche. De même, le traitement des demandes et des formulaires de candidature est le domaine qui suscite le plus d'intérêt pour l'adoption future de l’IA dans les organisations ayant participé à cette recherche. Les applications d’IA relatives aux services de santé et de bien-être arrivent en troisième position.
  • Les résultats soulignent que les défis auxquels sont confrontées les municipalités sont variés. Le défi le plus important est celui de l’intégration des systèmes et des données. Par ailleurs, la qualité des données utilisées pour l'IA est également un défi majeur. Les facteurs organisationnels, pour leur part, sont également importants, notamment le manque d'expertise et de savoir-faire, les ressources financières limitées, ainsi que l'inertie organisationnelle. Ces résultats montrent que si les municipalités norvégiennes souhaitent adopter l'IA, elles ont besoin à la fois de réformes structurelles et de capital financier pour poursuivre dans cette direction.
Messages clés pour la politique et la pratique
  • L'objectif de cette étude était de faire la lumière sur l'utilisation et l'usage prévu de l'IA au sein de l'administration publique et en particulier dans les municipalités norvégiennes.
  • L’application de l’IA au sein des municipalités norvégiennes est encore très limitée et récente. En pratique, les applications mises en œuvre le plus couramment au sein des municipalités norvégiennes sont les agents intelligents virtuels, les traducteurs en temps réel ainsi que l’automatisation des saisies et des demandes.
  • Les facteurs techniques et organisationnels constituent les principaux obstacles à la non-application de l’IA au sein du secteur public. La perception selon laquelle l’IA n’est pas importante pour l’administration ne représente pas, pour les répondants, le principal obstacle.
  • Pour les applications, les résultats montrent clairement que certains domaines d'utilisation de l'IA présentent un intérêt croissant pour les municipalités, à savoir : les chatbots, le traitement automatisé des demandes et des formulaires de candidatures ou les applications liées aux services de santé et de bien-être.
Méthode et limites de la recherche
  • La collecte des données repose sur un questionnaire administré auprès des répondants au sein des municipalités norvégiennes. Les répondants pour cette enquête ont été les chefs de la division informatique, les responsables informatiques et les spécialistes des données. Au total, l’échantillon comprenait 83 répondants. Parmi ceux-ci, 46 ont complété entièrement le questionnaire, tandis que neuf questionnaires ont été partiellement complétés.
  • Pour analyser les données, les chercheurs ont utilisé les statistiques descriptives et effectué les tests-t d'échantillons appariés au moyen du logiciel SPSS.
  • Bien que cette étude ait utilisé un échantillon de municipalités norvégiennes, les chercheurs estiment qu’elle donne un aperçu des tendances qui peuvent s’appliquer à d’autres juridictions.
Financement de la recherche

Il n’y a pas d’information concernant le financement dans l’article.