Les défis de la sclérose numérique au sein des organisations publiques

Normann Andersen, K., Lee, J., Zinner Henriksen, H. (2020). Digital Sclerosis? Wind of Change for Government and the Employees. Digital Government: Research and Practice, 1(1), art. 9, 13 pp.

Contexte

L'adoption de la technologie peut conduire à une sclérose numérique. Cette dernière se caractérise par un rigidification des processus gouvernementaux, une incapacité à répondre aux changements de la demande ainsi qu’une diminution du retour d'information des employés relatif à l'innovation. Cette publication repose sur la prémisse que les recherches empiriques conduites depuis plus de 10 ans ne parviennent pas à démontrer que la technologie a induit une transformation radicale au sein des administrations. Partant de ce constat, l’équipe de recherche met en évidence la notion de « sclérose numérique » et répertorie trois signes avant-coureurs : la diminution du pouvoir de négociation et de discrétion des employés gouvernementaux, l'augmentation de l'agilité et de la capacité à se déplacer ainsi que le développement de systèmes de contrôle panoptiques (Panopticonization). Dans un tel contexte, les décideurs politiques et les développeurs de systèmes doivent être sensibilisés à la sclérose numérique, préparer la technologie et concevoir des apports intelligents et ce, dans une approche flexible et agile.

Définition

La notion de sclérose numérique est définie comme la rigidification du travail. Cette dernière est généralement causée par une substitution du travail humain par la numérisation de la tâche. En médecine, le terme de « sclérose » qualifie un durcissement pathologique d’un organe ou d’un tissu. Dans le domaine de l’administration publique, la numérisation est susceptible de produire des effets similaires sur l'humain. Selon l’équipe de recherche, l'émergence de technologies (p. ex. l'analyse de données massives, l’intelligence artificielle, l'apprentissage automatique ou encore l’internet des objets) mène à une situation où les machines gagnent la course et où les humains perdent le contrôle.

Résultats
  • La progression du numérique se caractérise par une spirale auto-entretenue. Une telle spirale pourrait conduire à une sclérose numérique. Bien que le marché libre et le principe économique de la main invisible aient aidé les économies numériques à progresser, il semble que des technologies émergentes ont des répercussions, parfois imprévisibles, sur les employés.
  • Il existe trois signes distincts et précoces de la sclérose numérique :
    • La diminution de la négociation et du pouvoir discrétionnaire des travailleurs découle, tout d’abord, de l’exclusion d’un nombre croissant de personnes du marché du travail générée par l’obsolescence de tâches qui étaient autrefois jugées significatives. Ensuite, l’automatisation des services à la clientèle tend à offrir des contacts dépourvus d’empathie et à proposer une logique de réponses rigides et inflexibles. Enfin, la quête de la transparence promise et l’installation de systèmes ayant des règles simplifiées tend à diminuer le pouvoir discrétionnaire des agents au profit de systèmes automatisés.
    • Le lieu de travail est étendu dans le temps et l'espace, c’est-à-dire la capacité de réponse 24/7. Le déploiement d’outils de communication virtuelle (p.ex., Skype, FaceTime) réduit la distance temporelle et spatiale entre les employés et les organisations. Un tel déploiement augmente l'infiltration des appareils mobiles et des services internet perturbant ainsi l’équilibre de vie des employés. Dans les faits, cette connectivité numérique exerce de nouvelles pressions sur la main-d'œuvre crée une attente de disponibilité 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. En outre, bien que présent dans des espaces physiques, les employés ne communiquent physiquement plus avec les citoyens. Ainsi, les technologies tendent à augmenter la différence de temps et d'espace plutôt qu’à les réduire.
    • La « panopticonisation » découle notamment du transfert des pratiques numériques de l'espace personnel à l’espace organisationnel. Des mécanismes de suivi sont mis en place, tant pour les employés que pour les clients, afin d'optimiser et de rationaliser les interactions. De plus, les gouvernements utilisent des plateformes de communication (p.ex., l'utilisation des médias sociaux pour la communication formelle et informelle entre les citoyens et le gouvernement) qui favorise la prolifération des technologies Internet et la connexion des appareils intelligents à Internet.
Messages clés pour la politique et la pratique
  • L'extrême connectivité crée des possibilités uniques d'autonomiser les citoyens et les travailleurs.
  • Les gouvernements qui ont l'ambition de transformer radicalement l'administration pourraient être davantage exposés à la sclérose numérique.
  • Les signaux d'alerte précoces de la sclérose numérique se manifestent différemment selon les administrations.
  • L’apparition des trois signes précurseurs de la sclérose numérique requiert une action politique. Par conséquent, il est crucial, d’une part, de reconnaître que des changements radicaux dans les contrats de travail et le pouvoir de négociation des travailleurs se sont déjà produits et d’autre part, de veiller à formuler des politiques affectant positivement une telle évolution.
  • Les fonctions de gestion opérationnelle, telles que la délégation du travail et le contrôle de la production, tendent à être prises en charge par les machines, ce qui peut priver la direction de tout contrôle.
Méthode et limites de la recherche
  • Étant donné qu’il s’agit d’une publication théorique, aucune méthode n’est présentée dans la publication.
  • Il n’y a pas de limite de la recherche mentionnée dans l’publication.
Financement de la recherche

Il n’y a pas d’information concernant le financement dans l’publication.