Les biais cognitifs à l'ère numérique

Oschinsky, F. M., Stelter, A., & Niehaves, B. (2021). Cognitive biases in the digital age—How resolving the status quo bias enables public-sector employees to overcome restraint. Government Information Quarterly, 38(4).

Contexte

L’utilisation des technologies numériques a augmenté considérablement dans les administrations publiques lors des dernières décennies. Le recours à ces technologies tend à devenir une pratique courante pour améliorer l’efficacité des processus administratifs. Toutefois, l’apport de ces technologies dépend de l’acceptation ou non des usagers à les employer. Certains professionnels, inquiets de perdre leur autonomie individuelle et d’être remplacés s’ils ne maîtrisent pas les nouveaux outils, peuvent quant à eux être sceptiques vis-à-vis de ces changements. Par conséquent, l’objectif de cette publication est d’identifier les variables explicatives de la résistance aux technologies de la part des employés du secteur public. En étudiant trois municipalités allemandes, l’équipe de recherche vise à savoir si la résistance aux technologies peut être expliquée par le biais du statu quo.

Définition

L’acceptation des technologies chez un individu est principalement affectée par deux variables explicatives. La première variable est l’utilité perçue. Elle fait référence au degré selon lequel une personne croit que l’utilisation d’un système particulier améliore son rendement au travail. La deuxième variable est la facilité d’utilisation perçue. Elle correspond au degré selon lequel une personne estime que l’utilisation d’un système particulier demande un effort. Une autre notion utilisée dans cette publication est le biais du statu quo. Il illustre la tendance d’un décideur à maintenir une situation ou une décision existante. C’est un biais cognitif qui est défini comme la présence d’erreurs systématiques dans la prise de décision humaine

Résultats
  • Dans leur modèle théorique, l’équipe de recherche conçoit la résistance des utilisateurs avec quatre catégories de variables : 1) la prise de décision rationnelle, 2) la perception cognitive erronée, 3) l’engagement psychologique ainsi que 4) l’influence organisationnelle et sociale.
  • Les résultats statistiques mettent en évidence que les variables explicatives suivantes ont une relation négative avec la résistance des utilisateurs :
    • En matière de prise de décision rationnelle : 1) les bénéfices du changement et 2) les coûts de transition.
    • En matière d’engagement psychologique: 1) les efforts pour se sentir en contrôle et 2) les coûts irrécupérables.
    • En matière d’influence organisationnelle et sociale : 1) le soutien organisationnel, 2) une administration qui offre du soutien et 3) des collègues qui offrent du soutien et 4) la valeur perçue pour les citoyens.
    • L’équipe de recherche n’a observé aucune relation négative entre la résistance des utilisateurs et les variables relatives à la perception cognitive erronée.
  • Les meilleures explications à la résistance des employés face à l’adoption de nouvelles technologies sont la valeur perçue, les coûts irrécupérables, les bénéfices du changement et la valeur perçue pour les citoyens (accorder de la valeur aux autres).
  • Les chercheurs présentent neuf recommandations pour diminuer la résistance aux nouvelles technologies des employés :
    • Mettre en évidence la valeur d’une nouvelle technologie et les bénéfices pour les participants via des présentations ou des affiches informationnelles.
    • Concevoir une technologie facile à maîtriser.
    • Illustrer les finalités de l’utilisation de la technologie.
    • Informer les employés sur les bénéfices de la technologie pour les citoyens via la présentation de vidéos, la présence sur les réseaux sociaux ou la publication d’un article dans la presse.
    • Renforcer les compétences existantes des employés et les former aux compétences à acquérir, notamment via des cours ouverts en ligne.
    • Communiquer et s’appuyer sur les expériences passées pour illustrer les bénéfices et les limites de la nouvelle technologie.
    • Prendre en considération la variable de l’effort perçu pour l’utilisation de la technologie est capital. La communication peut aider.
    • Établir de bonnes relations entre collègues en vue de favoriser une attitude positive envers le changement parmi les employés.
    • Réduire les coûts de transition relatifs à l’utilisation d’une nouvelle technologie en offrant aux employés du soutien technologique.
Messages clés pour la politique et la pratique
  • Le modèle théorique construit dans cette publication peut servir à de futures enquêtes sur les facteurs derrière le scepticisme des employés face aux nouvelles technologies.
  • L’équipe de recherche met en évidence la relation négative entre la résistance des utilisateurs et les trois catégories de variables suivantes : 1) la prise de décision rationnelle, 2) l’engagement psychologique ainsi que 3) l’influence organisationnelle et sociale.
  • Les variables explicatives en lien avec la catégorie « perception cognitive erronée » ne semblent pas diminuer la résistance des utilisateurs d’une nouvelle technologie.
Méthode et limites de la recherche
  • La méthodologie de cette recherche est mixte.
  • Les données proviennent d’une étude préliminaire qualitative (la réalisation d’un groupe de discussion) et de 161 réponses à un questionnaire en ligne. Les répondants sont des fonctionnaires affiliés à trois municipalités allemandes de différentes tailles (petite, moyenne et grande).
  • Les répondants au questionnaire en ligne ont répondu aux questions par des échelles de Likert à sept points (1 étant « fortement en désaccord », et 7 « fortement en accord »).
  • L’analyse des données a été menée sur IBM SPSS Statistics, version 27.0.
  • Des régressions linéaires simples ont été testées et les variables ont été mises à l’échelle des intervalles. Des régressions linéaires multiples ont également été effectuées.
  • Les résultats de la recherche doivent être interprétés à la lumière des limites suivantes :
    • Les résultats ne peuvent être généralisés à l’ensemble des municipalités allemandes.
    • Les résultats ne peuvent être généralisés à d’autres États. Des recherches futures ailleurs dans le monde seraient pertinentes.

Bien que plusieurs facteurs pouvant influencer les réponses des participants aient été contrôlés (indicateurs ambigus, anonymat, une théorie assumée dans la formulation des questions), plusieurs n’ont pas été testés (la désirabilité sociale, la distorsion de cohérence). 

Financement de la recherche

Cette publication a été soutenue par le National E-Government Competence Center (NEGZ) de Berlin et la municipalité de Bad Berleburg en Allemagne.