L’enjeu géopolitique de l’infonuagique : le cas de la France

Bômont, C. et Cattaruzza, A. (2020). Le cloud computing : de l’objet technique à l’enjeu géopolitique. Le cas de la France. Hérodote, 177-178, 149-163.

 

 

Contexte

Le passage de l’hébergement local des données vers un hébergement sur des serveurs infonuagiques (cloud) s’accélère à grands pas. La croissance annuelle du stockage infonuagique est estimée à 17%. La popularité des serveurs infonuagiques s’explique, d’une part, par une production plus élevée des données et, d’autre part, par une collecte plus importante des données par les organisations. De tels phénomènes mettent de la pression sur les infrastructures informatiques et exige tant des investissements en infrastructure qu’en capital humain. C’est pour cette raison que les organisations font généralement appel aux ressources extérieures spécialisées pour héberger leurs données. Or, ce secteur étant contrôlé par des compagnies américaines, les questions de souveraineté, de pouvoir et de confidentialité émergent. Cette publication vise à décrire l’évolution du discours entourant l’infonuagique dans le contexte français.

Définition

L’infonuagique (cloud) est une technologie de stockage, de traitement et de partage des données numériques reposant sur l’externalisation de la gestion des ressources informationnelles et souvent, humaines. On y distingue trois niveaux de services : 1) l’infrastructure en tant que service (IaaS) où le prestataire loue une infrastructure informatique au client, 2) la plateforme en tant que service (PaaS) où le prestataire fournit également le système d’exploitation et 3) les logiciels de traitements de bases de données et, finalement, le logiciel en tant que service (SaaS) où le prestataire gère l’ensemble des infrastructures informatiques, jusqu’aux applications.

Résultats
  • L’infonuagique a fait son entrée dans le débat politique français comme un enjeu économique. Au lendemain de la crise financière de 2008, le gouvernement a réalisé le retard de la France dans ce domaine et la concentration du secteur aux États-Unis.
    • Le gouvernement a alors lancé une campagne d’investissement dans l’infonuagique pour permettre aux sociétés françaises d’être plus compétitives et en vue de saisir l’avantage économique que représente l’infonuagique.
    • La réalisation de ce « nuage souverain » a pris la forme d’un partenariat public-privé baptisé Andromède. Ce partenariat a regroupé de grandes entreprises françaises et l’État.
    • Le partenariat a échoué. Les raisons avancées sont la faible compréhension de la technologie par l’État, la faible demande pour un nuage souverain ainsi que la fragilisation du projet par la scission.
  • Au lendemain de l’affaire Snowden aux États-Unis et les révélations que le gouvernement américain a forcé les entreprises américaines à transmettre les données qu’elles hébergent en cas d’affaire touchant la sécurité nationale, l’infonuagique devient un enjeu tant économique que politique.
    • Un nouveau plan d’investissement dans l’infonuagique est lancé. Reconnaissant les erreurs du projet précédent, le gouvernement français investi dans des entreprises européennes reconnues dans le domaine. La notion de souveraineté demeure économique puisque la préoccupation reste la compétitivité des entreprises françaises tout en renforçant la souveraineté des données.
    • L’accent est mis sur la sécurisation des données et sur les menaces potentielles à la souveraineté nationale plutôt qu’au renforcement de cette souveraineté.
  • L’État français a élaboré une doctrine pangouvernementale pour positionner l’infonuagique en tant que composante essentielle de la transformation numérique de l’État et ce, en vue de réaliser d’importants gains d’efficacité.
    • Afin de répondre aux préoccupations de sécurité de l’information et aux besoins des organisations publiques, trois types d’infonuagique sont développés : l’infonuagique interne (opéré et hébergé par l’État), l’infonuagique dédié (opéré sur des infrastructures dédiées chez le prestataire) ainsi que le cloud externe (services et outils génériques accessibles sur internet).
    • La nécessité d’une infonuagique de confiance, c’est-à-dire souveraine et hors de portée des lois extraterritoriales de pays tiers, a été réitérée par le gouvernement en positionnant cette technologie comme étant un socle de la transformation numérique.
Messages clés pour la politique et la pratique
  • En raison de la complexité de l’infonuagique et de la concentration de ce secteur aux mains d’une poignée d’acteurs, l’État devrait s’appuyer sur des partenaires nationaux jouissant d’une compétence et de reconnaissance dans le domaine pour éviter le risque d’échec.
  • Contrairement à l’hébergement local traditionnel, l’infonuagique comporte la possibilité d’être soumis à des lois extraterritoriales (Patriot Act et CLOUD Act aux États-Unis) pouvant créer des situations où les données sensibles d’un pays peuvent être accessibles par le pays où est basée la compagnie hébergeant ces données.
  • Le développement d’une classification variée en fonction de l’acteur public et la sensibilité des données concernées permet une approche plus nuancée et précise de l’adaptation des techniques offertes.
Méthode et limites de la recherche
  • Il s’agit d’une revue systématique portant sur l’évolution de l’enjeu de l’infonuagique en France.
  • Aucune méthodologie n’est présente dans la publication.
  • La publication trace le développement et l’évolution de l’infonuagique dans le discours politique français. Elle distingue trois grandes périodes : l’infonuagique souveraine comme opportunité économique (2009-2013), l’infonuagique souveraine inclusive (2014-2018) et l’infonuagique comme priorité stratégique (2018 - …).
  • Cette publication comportement plusieurs limites. D’une part, comme aucune méthodologie n’est précisée et que les sources de données n’y sont pas expliquées, il faut faire preuve de prudence dans l’interprétation des résultats et de leur exhaustivité. D’autre part, puisque l’objet d’étude est l’infonuagique en France, les conclusions peuvent ne pas s’appliquer dans d’autres contextes. La généralisation des résultats peut donc être compromise.
Financement de la recherche

Il n’y a pas d’information concernant le financement dans la publication.