Le rôle de la technologie dans la gestion de crise : le cas de la COVID-19 en Corée du Sud

Nam, T. (2020). How did Korea use technologies to manage the COVID-19 crisis? A country report. International Review of Public Administration, 25(4), 225‑242.

Contexte

En matière de lutte contre la COVID-19, la Corée du Sud a mobilisé un éventail de technologies d’informations et de communication (TIC) et a élaboré une stratégie gouvernementale axée sur leur utilisation. Le résultat a été un taux d’infection bien inférieur à la moyenne mondiale (505 cas/million vs 5 656 cas/million). La stratégie élaborée par la Corée du Sud se distingue de celle des autres pays (testage-traçage-traitement) de plusieurs manières, notamment par le rôle qu’y jouent les TIC et leurs principes sous-jacents, soit l’ouverture, la transparence et la collaboration. En pratique, la stratégie coréenne comporte quatre étapes : (1) le dépistage et le diagnostic, (2) l’enquête épidémiologique, (3) la gestion des contacts et finalement, (4) la prévention. Pour chacune de ces étapes, les TIC jouent un rôle important, notamment en matière d’aide à la décision. La publication vise ainsi à comprendre comment la Corée du Sud a utilisé les TIC dans chacune de ces phases.

Définition

Cette publication mobilise la notion de TIC pour illustrer comment elles peuvent servir dans le cas de la gestion d’une pandémie comme celle de la COVID-19. Bien qu’aucune définition ne soit donnée dans la publication, les TIC sont généralement définies comme un ensemble d’outils et de ressources technologiques permettant de créer et de gérer de l’information. Par exemple, le gouvernement coréen a particulièrement mobilisé les données massives (p.ex., le traitement de toutes les données relatives aux voyageurs arrivant en Corée du Sud), les algorithmes (p. ex., pour définir avec précision et rapidité les zones à risque de transmission communautaire) et les télécommunications (p. ex., le traçage des pays visités en fonction des données d’itinérance cellulaire) afin d’automatiser le traçage des cas et pour améliorer l’efficience du traitement de données.

Résultats
  • À la suite de l’arrivée du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) en 2015, le gouvernement coréen a entrepris un important virage numérique afin de renforcer les moyens de la santé publique nationale. Cela s’est traduit par d’importants investissements en matière d’intelligence artificielle et en systèmes d’information. Ces derniers ont pour objectif de permettre aux autorités de mieux comprendre ce qui se passe sur le terrain et de prendre de meilleures décisions. Dans le cas de la COVID-19, ces systèmes ont tous été mis à contribution;
  • Lors de l’étape de dépistage et de diagnostic, le gouvernement utilise deux systèmes d’information pour faciliter l’identification de patients présentant un haut potentiel d’infection de COVID-19. Le gouvernement a également développé un système de quarantaine intelligent pour pallier les faiblesses de la quarantaine standard.
    • Ces deux systèmes d’information utilisés lors de cette étape sont le suivi d’utilisation de médicament (DUR) et le système d’information des voyageurs internationaux (ITS). Le DUR permet de déterminer le profil de risque d’infection de COVID-19 pour les individus sur la base des prescriptions de médicament alors que l’ITS permet de combiner les informations du passeport (p. ex., les pays visités) et l’utilisation des données de télécommunications des passagers pour déterminer leur risque d’être atteints de la maladie.
    • La quarantaine intelligente est basée sur un système intégré d’information impliquant de nombreux acteurs publics et privés (p. ex., les compagnies aériennes fournissent les données de leurs passagers à la santé publique qui, elle, croise ces données avec les données du passeport et des compagnies de télécommunication pour établir un profil de risque et déterminer les actions à prendre). De leur côté, les passagers doivent télécharger une application d’auto-soin, y entrer leurs informations personnelles, faire un auto-test quotidiennement pendant deux semaines et déclarer leurs symptômes, le cas échéant. Cette information est ensuite relayée auprès de la santé publique.
  • Pour l’enquête épidémiologique, un autre système d’information permet de retracer les déplacements des personnes infectées. Ce système utilise les données de géolocalisation et bancaires des personnes infectées. L’algorithme se charge ensuite d’envoyer un message texte aux personnes ayant été en contact avec une personne malade pour les informer du risque et leurs demander de réaliser un test de dépistage.
  • Pour la gestion des contacts, le gouvernement coréen a mis en œuvre une application d’auto-soin. Cette application doit être téléchargée par toutes les personnes malades. Chaque personne infectée doit faire au moins deux auto-tests par jour et est assignée à un employé de la santé publique qui supervise sa quarantaine. Si elle quitte l’endroit où elle fait sa quarantaine, un message texte est automatiquement envoyé à la personne responsable et cette dernière intervient auprès du malade. L’application permet également à la santé publique de suivre l’évolution de la maladie auprès des personnes en quarantaine et de les référer au système de santé si leur condition se détériore.
    • Des appels automatisés nommés ClovaCareCall sont également envoyés deux fois par jour afin de poser des questions par rapport aux symptômes des personnes en quarantaine. Le système est en mesure de traiter les réponses et de faire un rapport à la santé publique, libérant ainsi des ressources humaines.
  • Pour la prévention, de nombreux systèmes d’information permettent au gouvernement de suivre le nombre de masques remis à la population, l’état des stocks ainsi que les prochaines livraisons de masques dans différents commerces. Le gouvernement a également développé une carte des nouveaux cas et de l’évolution épidémiologique dans les régions.
    • Un site internet nommé Coronaita permettant aux citoyens de voir les endroits visités par des gens malades, les commerces fermés en raison d’éclosions et ceux dont la désinfection est en cours.
Messages clés pour la politique et la pratique
  • La politique d’ouverture du gouvernement coréen favorise l’adhésion volontaire aux mesures gouvernementales (p. ex., la distanciation sociale et la réduction des contacts). Comme les citoyens ont facilement accès à de l’information transparente et à jour, ils ont davantage confiance envers leur gouvernement ;
  • L’accessibilité des données combinée à l’attitude collaborative du gouvernement a permis de favoriser les initiatives créatives provenant de la société civile afin de lutter contre la COVID-19 (p. ex., une application du stock de masques chirurgicaux par région ou une carte des cas de COVID-19);
  • Le virage numérique a grandement facilité les enquêtes épidémiologiques puisque ces dernières ont pu être automatisées en utilisant des algorithmes. Ceux-ci se sont servis de données de géolocalisation, de télécommunications et bancaires afin de permettre un traçage des contacts et recommander à ces contacts de se mettre en quarantaine.
Méthode et limites de la recherche
  • Cette publication est une revue de la littérature.
  • Les données ont été recensées sur les sites internet des principaux acteurs gouvernementaux impliqués dans le déploiement des TIC, dont le ministère des Sciences et des technologiques de l’information et des communications ainsi que l’Agence nationale d’information sociétale.
  • Aucune méthode n’a été détaillée, mais l’article détaille la stratégie gouvernementale de lutte contre la COVID-19 et documente l’utilisation des TIC à chacune des étapes de cette stratégie.
  • Aucune limite n’a été identifiée dans la publication.
Financement de la recherche

L’article est financé par le ministère de l’Éducation de la République de Corée ainsi que par la Fondation nationale de recherche de Corée (bourse #NRF-2016S1A3A2924956).