Comprendre la non-adoption des services publics électroniques par les citoyens en Allemagne

Distel, B. (2020). Assessing citizens’ non-adoption of public e-services in Germany. Information Polity, (Preprint), 1-22.

Contexte

Le taux d’adoption des services publics électroniques par la majorité des États européens demeure faible. Malgré des investissements considérables, les citoyens ne semblent pas intéressés par l’usage de services publics électroniques. Dans un État comme l’Allemagne, faisant partie des 15 États les plus avancés au niveau du gouvernement électronique, seulement 35 % de la population allemande télécharge des formulaires à partir d’Internet et 21 % soumettent des formulaires par Internet. Cette publication examine le phénomène de la non-adoption des services publics électroniques en Allemagne et identifie les facteurs qui influencent les citoyens à utiliser ces services ou à choisir d’utiliser les services en personne.

Définition

Le cadre théorique de cette publication repose sur la théorie des inhibiteurs. Les utilisateurs d’un service ont des perceptions habilitantes et inhibitrices. Les perceptions se réfèrent aux croyances de l’individu à propos d’un système. Les croyances sont définies comme les déterminants dominants des intentions et actions d’un individu. Les perceptions inhibitrices sont un ensemble de facteurs indépendants qui exercent seulement une influence négative sur la décision d’utiliser ou pas un système. Les perceptions habilitantes peuvent avoir un effet positif ou négatif sur la décision d’utiliser ou pas un système.

La théorie des inhibiteurs postule que les pertes sont plus redoutées par les individus que les gains. Le fait que le changement soit considéré comme une perte ou un gain dépend de la perception individuelle à l’égard du statu quo.

Résultats
  • Le niveau d’éducation est la seule caractéristique sociodémographique qui a un effet significatif sur l’usage réel par les citoyens des services publics électroniques.
  • Les perceptions des citoyens sur les services publics électroniques et de l’administration publique ont un effet plus important sur l’intention d’utiliser les services publics électroniques que les caractéristiques sociodémographiques.
  • La confiance dans l’administration publique et le biais du statu quo sont les variables qui affectent le plus l’intention des citoyens d’utiliser les services publics électroniques. Dans une moindre mesure, les attentes d’efficacité, la perception des répondants sur leurs compétences techniques numériques, le besoin perçu des répondants pour la consultation en personne et les inquiétudes à propos de la sécurité des données et de la confidentialité affectent également l’intention des citoyens d’utiliser les services publics électroniques.
  • Les autres prédicteurs tels que la convivialité pour l’utilisateur, la confiance envers Internet, l’image qu’ont les citoyens de l’administration publique, la quantité d’information et le besoin perçu de se présenter en personne, ont un faible effet sur l’intention des citoyens d’utiliser les services publics électroniques.
  • Les inquiétudes à propos de la sécurité des données et de la confidentialité augmentent l’intention des citoyens d’utiliser les services publics électroniques. Ce résultat est surprenant puisque la littérature suggère pourtant une relation négative entre ce prédicteur et l’intention des citoyens d’utiliser les services publics électroniques.
  • L’image qu’ont les citoyens de l’administration publique et le besoin perçu de recourir à une consultation en personne sont les deux seuls prédicteurs qui ont un effet significatif sur l’usage réel des services publics électroniques par les citoyens.
  • L’intention des citoyens d’utiliser les services publics électroniques dépend d’un ensemble de facteurs plus large que la décision d’utiliser réellement ou non les services publics électroniques, qui est influencée seulement par le besoin perçu de recourir à une consultation en personne et l’image qu’ont les citoyens de l’administration publique.
Messages clés pour la politique et la pratique
  • La confiance envers l’administration publique a un effet significatif sur l’intention d’utiliser les services publics. Dans un contexte d’avancées technologiques rapides, Ce résultat indique un besoin pour de nouvelles ou d’autres mesures pour bâtir la confiance des citoyens envers les organisations publiques.
  • L’évaluation du processus de numérisation des services ne devrait pas être seulement guidée par les besoins de l’administration publique, mais devrait également considérer les besoins du côté de la demande (les citoyens ou les entreprises).
  • En développant des services publics électroniques, les gestionnaires ne devraient pas se concentrer uniquement sur les aspects techniques (p. ex la sécurité des données). Les chercheurs recommandent de considérer les services en eux-mêmes et analyser les barrières auxquelles les citoyens font face lors de l’utilisation des services publics électroniques.
  • Le besoin perçu des citoyens de recourir à une consultation en personne, qui est un facteur qui a un effet significatif sur l’usage réel des services publics électroniques par les citoyens, peut être réduit en améliorant la littératie numérique des citoyens.
  • Les chercheurs suggèrent que les administrations publiques ne recourent pas à une prestation de services uniquement électronique, mais plutôt à une coordination optimale des différents canaux de prestation de services. Il semble que pour les services qui demandent un niveau élevé de consultation, il est important de maintenir une offre de services en personne.
Méthode et limites de la recherche
  • Cette publication s’appuie sur une méthodologie quantitative.
  • L’échantillon est constitué de 495 répondants. La technique d’échantillonnage utilisée est l’échantillonnage par quotas.
  • Les chercheurs ont réalisé deux analyses des données. Dans ces deux analyses, les variables sociodémographiques (âge, genre, éducation) étaient incluses comme variables de contrôle. D’abord, une régression linéaire multiple séquentielle a été exécutée pour analyser la contribution des variables sociodémographiques sur le résultat (intention d’utiliser les services électroniques publics). L’usage réel des services publics électroniques a été testé par une régression logistique multinomiale.
  • Les éléments de sondage ont été mesurés sur une échelle à 5 points, variant de « fortement en désaccord » (1) à « fortement en accord » (5).
  • Les chercheurs analysent distinctement l’intention des citoyens d’utiliser les services publics électroniques et l’usage réel des services publics électroniques par les citoyens.
  • Seuls les services publics locaux ou des Länder (les 16 États fédérés allemands) sont pris en compte. Les services de l’administration fédérale allemande ne sont pas inclus dans l’analyse.
  • La publication se concentre sur les services transactionnels (p.ex., la déclaration fiscale électronique).
  • Les résultats doivent être interprétés à la lumière des limites de l’étude :          
    • La recherche est une analyse transversale, qui ne permet pas l’observation et l’analyse de tendances à long terme, comme des changements dans les intentions comportementales, les perceptions et l’utilisation continue des services publics électroniques.
    • La recherche est contextuelle. Le sondage a été effectué seulement à propos de l’administration allemande. Les chercheurs recommandent que les futures recherches sur le sujet soient réalisées dans une perspective comparative qui permet la généralisation des résultats ou des modèles au-delà d’un seul État.
    • Les chercheurs n’ont pas déterminé de quelle façon les citoyens combinent les services publics en ligne et hors ligne. Les résultats montrent que certains citoyens utilisent les deux manières d’interagir avec les administrations publiques.

 

Financement de la recherche

La réalisation de cette recherche a été soutenue par le Research Training Group « Trust and Communication in a Digitized World », qui est financé par la German Research Foundation.