Bureaucratie représentative et attitudes envers la prise de décision automatisée

Miller, S. M., & Keiser, L. R. (2021). Representative bureaucracy and attitudes toward automated decision making. Journal of Public Administration Research and Theory, 31(1), 150–165.

Contexte

La théorie de la bureaucratie représentative énonce que les citoyens vont percevoir les politiques et la prestation de services plus favorablement si les fonctionnaires partagent leurs caractéristiques personnelles. Toutefois, l’automatisation tend à limiter l’implication des fonctionnaires dans le processus de fourniture de services. Dans cette publication, les chercheuses analysent les attitudes envers la prise de décision automatisée sous le prisme de la bureaucratie représentative. Les chercheuses estiment qu’un manque de représentation tend à affecter les opinions des usagers dans le débat entre la prise de décision humaine et automatisée. Cette hypothèse est testée dans le choix entre un système photographique de contrôle de circulation aux feux rouges (photo radar) et un policier faisant respecter les règles de la circulation routière. Ces options sont présentées aux participants à la recherche sous la forme de vignette (scénario).

Définition

Selon la théorie de la bureaucratie représentative, les citoyens ont davantage confiance dans le gouvernement si les fonctionnaires partagent leurs caractéristiques sociales et démographiques. La bureaucratie peut être activement représentative lorsque les fonctionnaires représentant les différents groupes sociaux, religieux ou ethniques de la société. La bureaucratie peut être représentativement passive lorsque les symboles d’une bureaucratie plus représentative sont séparés de tout type de changements dans les politiques. C’est ce dernier type de bureaucratie représentative qui est retenu par les chercheuses dans la présente publication.

Résultats
  • Il y a une différence statistiquement significative entre la proportion de répondants noirs qui préfère le photo radar au feu rouge si le policier représenté est noir (43 %) et de répondants noirs qui préfèrent le radar si le policier représenté sur la vignette est blanc (59 %).
  • Les répondants noirs qui ont lu la vignette où le policier est noir sont moins susceptibles d’évaluer la caméra de feu rouge favorablement quant à l’équité et leur préférence personnelle (45 %). Les répondants noirs qui ont lu la vignette où le policier est blanc sont plus susceptibles d’évaluer la caméra de feu rouge favorablement quant à l’équité et leur préférence personnelle (69 %). Les répondants noirs sont plus susceptibles d’évaluer les caméras de feu rouge favorablement lorsqu’ils sont exposés à un manque de représentativité passive.
  • Pour les répondants noirs, il y a des différences significatives dans leurs réponses s’ils ont lu la vignette avec les policiers blancs ou noirs, quant à leur perception à propos de l’application de la loi, du respect des droits de la personne et de l’obtention du résultat mérité (imposition d’une contravention ou non).
  • Il n’y a pas de différences significatives parmi les répondants blancs, selon qu’ils ont lu la vignette avec les policiers blancs ou les policiers noirs.
  • Les répondants noirs qui ont lu la vignette avec les policiers blancs sont plus inquiets par la probabilité d’être fouillé (36 % d’entre eux). Parmi les répondants ayant lu la vignette avec les policiers noirs, 16 % ont classé la probabilité d’être fouillé comme les deux facteurs les plus importants pour évaluer l’équité dans les interventions policières.
Messages clés pour la politique et la pratique
  • L’automatisation modifie la prestation de services de différentes manières, par exemple en réduisant ou en augmentant les interactions entre les fonctionnaires et les citoyens, ou en diminuant ou en renforçant le pouvoir des fonctionnaires de terrain (p. ex. les policiers qui seraient remplacés par des caméras aux feux rouges).
  • Dans les domaines où le potentiel de représentation est limité ou s’il y a un manque de fonctionnaires provenant de groupes historiquement sous-représentés, la prise de décision automatique peut être bénéfique.
Méthode et limites de la recherche
  • Les résultats de la recherche reposent sur une méthodologie quantitative.
  • La collecte de donnée a été réalisée en décembre 2019 via la plateforme Qualtrics. Les participants ont été recrutés par Amazon Mechanical Turk. L’échantillon est composé de 394 répondants (116 citoyens noirs et 278 citoyens blancs).
  • La conception expérimentale de la recherche est composée de deux vignettes et chaque répondant a été affecté aléatoirement à l’une d’entre elles. Les vignettes présentent une nouvelle d’actualité fictionnelle qui informe les répondants qu’un gouvernement local soupèse deux options pour gérer une intersection problématique, y poster un policier ou installer une caméra de feu rouge. Les chercheuses ont utilisé un contexte impliquant des policiers, car c’est un domaine où les effets symboliques de la représentation raciale devraient être particulièrement significatifs. 
  • Les deux vignettes ont la même nouvelle d’actualité, mais ont des images différentes. Une compte une photo avec deux policiers noirs et l’autre compte deux policiers blancs. Pour les répondants noirs et blancs, cela illustre une bureaucratie représentative, ou un manque de représentativité.
  • Après la lecture de la vignette, les répondants devaient indiquer leur préférence pour la solution qui leur semblait la plus équitable, les policiers ou la caméra de feu rouge. Les réponses étaient mesurées par une échelle de Likert à 5 points (de fortement en faveur à fortement en opposition).  
  • Les chercheuses ont créé les variables dépendantes en utilisant les questions d’équité et de préférence, en déterminant si un répondant a évalué la caméra plus favorablement que le policier en matière d’équité et de préférence. Ces variables sont dichotomiques, codées de telle sorte qu’un 1 indique une note plus élevée pour la caméra de feu rouge et un 0 pour une évaluation plus favorable envers le policier.
  • Les chercheuses ont également analysé les données par des modèles de régression logistique.
  • Les chercheuses ont décidé d’utiliser la technologie des caméras aux feux rouges, car elles ont le potentiel d’agir de manière neutre, en documentant les contrevenants sur la base d’un ensemble de règles informatisées qui s’appliquent de la même manière à tout le monde à une intersection particulière. Cette technologie change l’opérationnalisation de la sécurité routière de deux manières interreliées :
    • Les caméras aux feux rouges peuvent mener à une prise de décision neutre, ce qui exclurait la race et d’autres facteurs de la prise de décision.
    • Les caméras aux feux rouges suppriment l’interaction personnelle avec un policier.
Financement de la recherche

La publication ne compte aucune information sur le financement de la recherche.